In the end

In the end

Je peux la sentir… La faucheuse se trouve juste au-dessus de ma tête et attend patiemment le dernier moment pour venir abattre son épée sur moi. Je peux sentir la mort me consumer lentement mais sûrement. Gloria souhaitait que je revienne en Enfer, puisque mon choix était de mourir, elle disait qu’elle pourrait au moins faire en sorte que ce soit moins douloureux. A quoi bon tricher ? La douleur ne m’effraie pas au contraire, elle me rappelle que je suis encore vivant, même si ce sont mes derniers instants. Je déteste pour autant l’image pathétique que je dois renvoyer, surtout lorsque je suis penché de la sorte au-dessus d’une cuvette pour vomir du sang. Vraiment ? On dirait un pauvre humain atteint du cancer, je mérite mieux comme fin. Je me voyais plutôt mourir au combat, dans une bataille contre les anges peut-être. Au moins aurais-je perdu la vie héroïquement, pour les miens du moins.

Après une énième crise passée la chasse est tirée et je m’aventure dans le salon de mon repère. Les lieux n’ont absolument pas changé depuis mon départ, remercions l’ensorcèlement qui a gardé le repère parfaitement intact. Mais tout est tristement silencieux, tristement vide. Ce repère avait pourtant l’habitude de voir la vie grouiller entre ces murs, que ce soit avec mes nombreux hommes de main ou avec… Ilana Alom. Chaque pièce me rappelle au moins un souvenir d’elle, en réalité il y en a eu des tas, des bons, des moins bons, mes meilleurs se trouvant dans cette chambre vers laquelle je me dirige, tenant entre mes mains un verre de whisky dont j’ai trouvé une vieille bouteille au fond d’un placard. Voilà comment se terminent les choses, un démon pathétique et seul buvant son dernier verre d’alcool, si ça ce n’est pas cliché…

En réalité je ne goûterais pas à une seule goutte de ce verre, je n’en aurais pas le temps. Il y a cette douleur beaucoup plus forte que les autres qui m’enserre le cœur et mon corps s’écroule lamentablement au sol. Le verre se brise. L’alcool se répand. Et je me tords de douleur, incapable de faire cesser cette sensation désagréablement mortelle. C’est vers le plafond que je relève mon regard alors que la sueur perle sur mon front, alors que ma vue se brouille, je suis persuadé de la voir. La faucheuse.

« Tue-moi. Je suis tout à toi. »

Est-ce vraiment à elle que je prononce ces mots ? Sans doute ne le saurais-je jamais vraiment. Mon corps est pris de spasmes et du sang coule de mes lèvres. Puis plus rien. Le calme à nouveau. Peut-être la mort ? Mon cœur n’a pas encore cessé de battre et j’aimerais pourtant qu’il en soit ainsi, même si je sais que ma place ne sera jamais au Paradis et c’est tant mieux, j’ai toujours été bien plus à ma place en Enfer.


Suis-je en train de rêver ? J’entends des pleurs d’enfant… Non, des pleurs de bébé. Est-ce que quelqu’un voudrait bien le faire taire ?! Je m’aventure dans cette maison que je connais très bien, celle d’Ilana. Je fronce les sourcils en l’apercevant de dos, face à l’une des fenêtres qui offre une vue sur le jardin.

« Qu’est-ce que tu fais là ? »

Stupide de poser cette question alors que je me trouve chez elle, ce serait plutôt à elle de me demander ce que je fiche ici. Pourtant ce n’est pas la question qu’elle me pose, en fait elle ne me pose même aucune question, ses propos sont bien plus insensés.

« Chuuut… il vient de se rendormir. »

Je me rends compte que les pleurs d’enfant ont cessé alors qu’Ilana continue toujours de bercer quelque chose qu’elle tient entre ses bras. Qu’est-ce que c’est que ça encore ? J’entends une voix m’appeler au loin, comme un murmure qui vient de derrière. Je n’y fais pas réellement attention, m’approchant de celle qui se trouve devant moi.

« Qui vient de se rendormir ? »

« Notre fils, Matthew. »

Dans quel genre de cauchemar je me trouve ? A moins que ce ne soit un rêve ? Je continue d’approcher alors que j’entends à nouveau cet appel, un peu plus fort que le précédent. Je tourne mon regard derrière moi mais ne vois rien, alors je continue de m’approcher, arrivant jusqu’à la hauteur d’Ilana.

« Ilana j’ai… »

« Regarde comme il te ressemble. »

Elle se tourne vers moi et le bébé qu’elle tient entre ses bras n’a rien d’un bébé normal. C’est un monstre complètement défiguré et il se remet à pleurer. Ses pleurs sont atroces, de plus en plus fort, on pourrait croire que quelqu’un s’amuse à le torturer. Je recule d’un pas et Ilana affiche ce sourire qui ne lui ressemble pas.

« C’est toi qui lui as fait ça. »

Non… Ce n’est pas notre enfant, ce n’est pas moi qui… Il y a le regard d’Ilana qui change, elle arbore le regard du démon et je ne comprends pas ce qui est arrivé. Comment les choses ont-elles pu changer de la sorte ?

« C’est toi qui nous a fait ça. »

J’entends mon prénom être appelé une troisième fois, beaucoup plus fort. Il y a comme un souffle qui s’insinue dans la pièce, m’éloigne d’Ilana et du bébé malgré moi. Laissez-moi arranger les choses. Je peux arranger les choses.


Je me réveille en sursaut, le soufflet court, le regard perdu durant les premières secondes. Je suis revenu à mon repère et ce n’est pas la Faucheuse qui se trouve au-dessus de moi mais Ilana. Qu’est-ce que… Je me redresse doucement, grimaçant sous la douleur qui me comprime de l’intérieur. Je ne comprends pas pourquoi Ilana est là, elle qui m’a reproché d’être revenu, elle aurait dû me laisser partir si c’était ce qu’elle voulait.

« Ilana… Tu ne devrais pas être là. »

Pas de merci de m’avoir ramené, pourquoi le ferais-je alors que j’étais enfin sur le point d’arriver à bout de mes tourments ? Peut-être est-ce ton ultime vengeance contre moi… Dans ce cas je l’accepte, je n’ai pas beaucoup le choix je suppose mais l’inévitable finira bien par arriver, tu ne fais que le retarder.

In the end

Ce rocking-chair couine sous le poids de mon balancement. Ce doux mouvement d’avant en arrière me berce. Emmitoufflée sous une grosse couverture en laine, un café serré à la main, je regarde l’horizon. Le soleil ne s’est pas encore totalement levé, et je profite de ce spectacle. La vérité est que je suis effondrée face à ce spectacle matinal que m’offre la nature. Je suis là à en profiter alors qu’il est en train de mourir. Je ferme les yeux quelques instants, je le sens toujours. Sur mes lèvres.Je sens sa main remonter au creux de mes reins pour coller nos deux corps, comme si Matthew ne voulait plus qu’on fasse qu'un. Je n’avais pas bougé, comme tétanisée par ce baiser. Il avait un goût amer, un goût… de mort. Puis Matthew avait fui, lâche qu’il était.

Alors que je continuais à me balancer d’avant en arrière, une fumée noire apparaît à mes côtés. Ce n’est pas trop tôt. Lorsque cette fumée finit par prendre l’apparence de la belle et puissante Gloria Fost, je saute sur mes deux pieds laissant couler le long de mon corps cette couverture qui me tenait pourtant si chaud. « Ce n’est pas trop tôt Gloria ! Je suis passée à ton repère, et à part ça… » » Je lui montre la jolie cicatrice qu’un de ses poignards enchantés m’a fait lorsque j’ai voulu pénétrer son antre « Aucune nouvelle ! Rien pendant trois jours, mais où étais-tu passée ? » La colère résonne dans le silence matinal. Normalement, Gloria m’aurait tout de suite remise à ma place. Entre elle et moi, c’est toujours moi qui ai eu peur d’elle il ne faut pas se le cacher. Cependant, dans son regard, je vois qu’elle n’a pas le cœur à m’envoyer paître. Elle se laise choir sur mon rocking-chair alors que je lui lance un : « Alors ? » Gloria passe une main dans ses longs cheveux noirs. «Figure toi de là où je viens Ilana, il n’y a pas un réseau full-4G » Evidemment, je devais m’attendre à recevoir un pique mais peu m’importe. « Tu aurais au moins pu me faire signe, c’est une question de vie ou de… » Elle lève sa main droite pour m’interrompre. « De mort, Ilana. Je suis au courant. Penses-tu que je m’amuse à flâner dans les Enfers simplement pour la beauté du paysage  pendant que Matthew se laisse mourir? » » Elle prend la tasse de café que j’ai dans les mains et l’avale d’une traite en grimaçant. Evidemment, il n’est plus très chaud. « Il n’a pas vraiment le choix. Mais attends ! Comment… comment ça il se laisse mourir ? » Gloria lève alors sa tête vers moi, et dans son regard nait une expression qui ne me plait guère. Je crois y lire de la pitié… à moins que ce soit de l’empathie. Je n’ai jamais été aussi douée que Kalia pour déchiffrer les sentiments des autres. « Ce sale gosse n’a pas assumé jusqu’au bout hein Ilana ? Remarque, c’était couru d’avance. Face à toi, il n’a jamais assumé grand chose. » Si la situation n’était pas aussi dramatique, Gloria aurait presque failli m’arracher un sourire. « Gloria, tu sais pertinement que je n’ai jamais été très forte en devinettes, et surtout les tiennes. Alors ce qui se conçoit bien s’énonce… » Elle m’interrompt d’un ton sec après avoir murmuré quelques secondes dans sa barbe « Bien, bien ! Je vais éclairer ta lanterne ma petite Ilana »

Je ne voulais pas remettre les pieds dans cet endroit. Jamais. Je m’étais faite la promesse que si un jour j’y revenais, c’était pour y foutre le feu. Remarque, peut-être vais-je tenir ma promesse. La colère qui coule dans mes veines pourrait se transformer en énorme boule de feu que ça ne m’étonnerait même pas. Alors que je m’apprête à appeler Matthew, je le vois écroulé à terre. Je m’avance vers lui, mais garde une certaine distance. Parce que s’il est déjà mo… « Tue-moi. Je suis tout à toi. » J’arrive de nouveau à respirer, il n’est pas encore mort. Je me penche sur son corps, meutri par des spasmes. Le grincement du verre cassé sous mes pas me fait remarquer le pathétique de la situation. Veux-tu vraiment finir comme ça Matthew ? Alors que tu as une solution qui s’offre à toi, tu préfères crever comme si tu étais un ivrogne qui s’étouffait dans son vomi et dans l’alcool ? Non, je ne peux pas l’accepter. Ta vision se brouille et je m’agenouille à tes côtés. Peu importe le verre, peu importe cette sensation gluante, je prends ta main. « Matthew, reviens. Reviens ! » Il commence à partir dans un délire. Son corps est secoué de spasmes et son visage est tétanisé. Il est blanc comme la mort. Il semble assister à un scène horrible, puisque je sens sa main se crisper dans la mienne. « Matthew, c’est Ilana ! Je te promets que si tu n’ouvres pas les yeux, ton vœu sera exaucé. C’est moi qui t’achèverai. Matthew ! » Il prononce des mots étranges. Fils, pleurs et à plusieurs reprises, il secoue la tête comme pour se sortir d’un mauvais rêve. Si seulement Gloria était là, peut-être pourrait-elle… Une idée me vient alors. Avant d’arriver à PassMagic, et sans aucune connaissance de mes pouvoirs, il m’est arrivé plusieurs fois de devoir réveiller des potes d’un début de coma éthyllique. Alors certes ça n’a rien à voir mais… je me précipite vers la cuisine de Matthew. Evidemment, niveau bouffe c’est le néant mais niveau alcool c’est byzance. Je ne me souvenais pas que tu buvais autant Matthew. A moins que tu préfères mourir d’une cyrrhose aiguë.

Après avoir trouvé ce dont j’avais besoin, je retourne vers Matthew. Il est de nouveau conscient, mais peine à se relever. Je lui lance un regard de haut. « Ilana… Tu ne devrais pas être là. » Je l’aide à se relever et il s’assied avec difficulté sur le lit. « Tu as bien fait de te réveiller tout seul parce que sinon tu aurais eu droit à un réveil plus humide. » Je lui montre l’immense casserole d’eau gelée que je porte. A quoi vous attendiez-vous ? Je vous ai parlé de potes qui se bituraient jusqu’au coma, et le réveil gelé a fait ses preuves ! « Et toi, tu ne devrais pas être dans cet état-là. Tu pourrais… » Je reste plantée devant Matthew. Il est amaigri et son visage émacié me donne la nausée. Toute sa douleur se lit sur son visage. « Je suis allée voir Gloria tu sais. » Je suis intimement persuadée qu’il s’en doute. Après tout, même si j’ai longtemps refusé de l’admettre, il me connaît. « Elle t’a offert une solution Matthew ! Et tu ne m’en as même parlé ! Tu peux t’en sortir Matthew. Tu peux vivre. » Je le regarde mais je sens bien que lui par contre évite mon regard. « Il n’y a aucun débat à avoir Matthew. Tu acceptes la proposition de Gloria, et tu survis. CQFD. Alors on va… » Tes vêtements sont tachés de sang, de bile et d’autres sustances douteuses. Je commence à chercher dans ses armoires une chemise propre tout en continuant mon sermon. « Est-ce réellement dans cet état lamentable que tu veux finir ? » Je m’approche vers lui et je commence tout doucement à déboutonner la chemise de Matthew. « « Tu vas mettre cette chemise propre, et on va tous les deux aller voir Gloria. Parce que… » Mes mains tremblent alors que je défais les derniers boutons. « « Est-ce réellement cette dernière image que tu veux que j’ai de toi ? » Avec toi, je n’ai jamais su si jouer sur la corde sensible marchait. Mais ce soir, dans ce repère, qu’ai-je à perdre de plus ?

In the end

Une fois de plus la mort a décidé de se jouer de moi. Ce n’est pas encore mon heure. Bonne ou mauvaise nouvelle ? Tout dépend du point de vue sous lequel on se situe je suppose, vu les traits d'Ilana ça a l'air d’être une bonne nouvelle pour elle et une mauvaise pour moi. Passer proche de la mort ne m’empêche pas d’être une fois de plus sarcastique, on ne change pas ses traits de caractère aussi facilement après tout. « Tu comptais me ramener en cassant cette casserole sur ma tête ? Je doute de l’efficacité. » » Je lâche ces mots tout en me redressant pour m'asseoir sur le lit alors qu’Ilana évoque davantage un réveil humide. Une chance qu’on n'en soit pas arrivé là dans ce cas, je n’aurais que peu apprécié la méthode. Je ne sais pas ce que tu fais ici Ilana, je ne sais pas pourquoi tu t'obstines autant mais tu devrais partir. Vraiment. Sauf qu’Ilana reste là, encore et toujours, et elle évoque sa rencontre avec Gloria. Évidemment qu’elles se sont vues, après nos retrouvailles il n'aurait pu en être autrement. Ilana a toujours été du genre à s'obstiner de toute façon. « Et ? » » Si je me doute parfaitement de la suite, le fait de poser la question d'un ton si détaché prouve que cette solution ne change strictement rien.

Tu dois prendre ton rôle de belle-mère très à cœur pour insister de cette façon et me faire la morale. Oui j'ai l'air pathétique ce soir, tu crois que je n'en ai pas conscience ? Par pitié épargne-moi tes moqueries, elles n'aideront en rien. C’est pourtant un rire amer qui s’échappe de mes lèvres alors qu’elle se rapproche de moi pour déboutonner ma chemise, les gestes sont presque trop maternels à mon goût. « Je l'ai tué, alors pourquoi est-ce que tu persistes à croire que je mérite mieux ? » » Oui Ilana je parle bien de notre enfant, contrairement à toi on ne m'a pas laissé le temps d'en faire le deuil même si on pourrait croire que c’est un comble étant donné que je suis le meurtrier. Même les démons ont une conscience comme tu pourras le constater et la mienne est tourmentée depuis certaines actions, certains choix. « Même si j'accepte cette solution, on sait tous les deux qu’on ne fera que retarder l’échéance. » » Je n'ai toujours pas relevé mon regard vers Ilana. Ses doigts tremblants retirent ma chemise sale et je la laisse retomber à nos pieds. « J'ai de nombreux ennemis Ilana, des démons puissants. Que crois-tu qu’il se passera lorsqu’ils entendront dire que le grand roi de l'Enfer est tout juste aussi puissant qu’un humain ? » » Ils viendront pour avoir ma peau et tu le sais, tu ne peux pas être aveugle à ce point. « Je ne leur ferais pas l’honneur de les laisser m'éliminer. » » Et ne me dis pas qu’on trouvera une solution. Ne me dis pas que tu me protégeras parce que je détesterai entendre ces mots. Laisse-moi assumer mon choix, même si ça ne semble pas être le bon pour toi.

Les doigts d'Ilana se tendent vers la chemise propre qu’elle a déposée sur le lit mais je l’arrête, posant ma main sur la sienne, l’empêchant de l'atteindre. Cette fois mon regard ose affronter le sien, prêt à y lire la peine, la déception, la colère, tous les sentiments qui pourraient la traverser à cet instant. « Matthew Storm ne peut pas mourir humain. » » Et je sais que cette mort ne vaut pas tellement mieux, mais personne n’a à me voir mourir de cette façon et tout le monde se souviendra du grand démon qui a affronté et éliminer les Princes. Ne me retire pas ça Ilana. « J'ai déjà pris ma décision de toute façon, alors je te demanderai de respecter mon choix. » » L’aurais-je fait pour toi si la situation avait été inversée ? Probablement pas, je me serais battue jusqu’à mon dernier souffle parce que… parce que c’est toi. Ma main se resserre malgré moi autour de celle d'Ilana suite à une nouvelle douleur qui m'assaille. Si mes traits restent impassibles c’est une fois de plus mon corps qui me trahi en se crispant de la sorte. « Ne reste pas là Ilana. Franchement tu n'as pas besoin de rendre les choses plus compliquées. » » Le ton est un peu dur parce qu’en réalité j'ai horreur qu’elle ait cette image de moi. Je n'ai jamais été faible et je déteste donner cette impression à cet instant, pour autant ce serait pire pour moi d’être juste humain. Je ne peux pas l’être. Je ne peux pas le devenir. Alors ma main relâche la sienne et je me lève du lit. Mourir dans la crasse n'est pas non plus l’idée alors c’est vers la salle de bain que je me dirige, peut-être qu’une douche brûlante aidera à calmer les autres sensations.

In the end

« Je l'ai tué, alors pourquoi est-ce que tu persistes à croire que je mérite mieux ? » Mes deux mains s’arrêtent une demi-seconde au milieu de son torse. C’est la première fois que Matthew fait allusion à cet enfant. A notre enfant qui n’a pas eu le temps de naître. Est-il utile de nous infliger encore cette peine Matthew ? Est-ce nécessaire d’en parler ? Bien avant ton départ, j’ai tenté d’avoir cette discussion avec toi, et ce pendant des mois. Peut-être aurait-elle mêlé accusation, violence, cris, haine. Mais néanmoins, j’avais nourri le vain espoir que tous les deux, nous finirions par arriver à discuter de la perte de notre enfant. Et c’est maintenant que tu veux partager ta souffrance sur notre deuil ? J’aurais voulu avoir le courage de répondre quelque chose, mais rien. Aucun son ne passe la barrière de mes lèvres, alors je continue à déboutonner ta chemise. « Même si j'accepte cette solution, on sait tous les deux qu’on ne fera que retarder l’échéance. » Sa chemise coule le long de son torse pour tomber à nos pieds. L’échéance. Sais-tu au moins combien de temps il te resterait à vivre si tu en venais à ne pas accepter la proposition de Gloria ? Deux mois, deux semaines, deux heures ? Cette pensée me fait frissonner parce que je ne suis pas stupide. Ton état est lamentable, et tu ne tiendras pas le coup encore bien longtemps face à tant de souffrances. « J'ai de nombreux ennemis Ilana, des démons puissants. Que crois-tu qu’il se passera lorsqu’ils entendront dire que le grand roi de l'Enfer est tout juste aussi puissant qu’un humain ? » Bien sûr que je le sais. Mais je le sais là-haut dans ma tête, pas dans mon corps « Je ne leur ferais pas l’honneur de les laisser m'éliminer. » Parce que croit-il réellement que je leur laisserai ne serait-ce que t’approcher ? On trouvera une solution. Mes lèvres s’entrouvent mais je me ravise. J’aurais tellement eu envie de te dire que je te protègerai. En ai-je la force ? Ai-je assez de pouvoirs ? Néamoins, la question du : En ai-je l’envie ? ne se pose même pas. Et ça, je doute que tu le saches au fond de toi. Tu doutes toujours de moi.

Je tends le bras pour attraper la chemise propre que je suis allée chercher lorsque je le sens stopper cette tentative. Il pose enfin son regard sur moi. Auparavant, il me voyait mais ne me regardait pas. Il lui semble de plus en plus difficile de soutenir mon regard. Sans doute n’aime-t-il pas ce qu’il pourrait y lire… Mais ne dit-on pas qu’on ne voit que ce que l’on veut voir ? « Matthew Storm ne peut pas mourir humain. J'ai déjà pris ma décision de toute façon, alors je te demanderai de respecter mon choix. » Et je te demanderai de bien vouloir arrêter de me donner des ordres. Cette assurance, ce ton vindicatif lorsque tu t’adresses à moi Matthew, tout ça ne te ressemble pas. Tout ça ne te ressemble plus. Un hoquet de surprise perce le silence de la chambre de Matthew. Il serre ma main fort, très fort. Mais je ne bouge pas, je ne tente pas de me défaire de cette étreinte. Parce que je voudrais être assez forte pour pouvoir supporter ne serait-ce qu’un dixième de la douleur qui assaille ton corps et ton âme Matthew. Je le voudrais tant. Une fois la crise passée, tu poses sur moi un regard froid tout en te levant et en t’éloignant. « Ne reste pas là Ilana. Franchement tu n'as pas besoin de rendre les choses plus compliquées. »  Encore une fois, tu me craches à la figure que je te complique la vie. Que sans mes tentatives – vaines ? –de te convaincre, tout ça, toute cette situation serait d’une limpide facilité. S’il te plait… pas à moi.

Alors qu’il se dirige vers la salle de bain, je reste quelques secondes accroupie face à son lit. J’avale ma salive une fois, deux fois. Comme si je voulais avaler et digérer, au sens littéral du terme, tout ce qui était en train d’arriver. Lorsque Gloria m’avait parlé de cette unique solution, je ne l’avais pas vue comme telle. Connaissant Matthew, il était impossible qu’il accepte de ne devenir qu’un vulgaire humain. Il lui était inconcevable d’imaginer la vie sans pouvoirs, sans combats, sans… son identité. D’un bond, je me lève et suis Matthew dans la salle de bain. Il a déjà allumé la douche, et la vapeur d’eau commence peu à peu à envahir la pièce. Il me tourne le dos, et commence à enlever ses chaussettes. Je l’entends gémir : tout geste est devenu une véritable souffrance. Je pose la main sur ton épaule, et ce geste est doux comme une caresse. « Il est hors de question que tu dises quand la discussion est terminée Matthew. »  Je ne l’oblige pas à se retourner. Tu vas me détester pour ce que je vais te dire, tu vas vouloir que je dégage mais peu importe. « « Tu n’as pas tué notre fils. »  Je respire un bon coup et me lance. « Tu as sauvé la famille que nous formions à cette époque-là. Je voulais tant de cet enfant, de ton enfant. Cependant, toi seul savais que je ne pourrais pas m’en occuper, que malgré tout l’amour que je lui aurais transmis ce n’était pas mon fils. C’était… Il serait devenu celui des Princes des Ténèbres. Et Matt, tu sais que je ne l’aurais pas supporté. Que je serai devenue folle si on m’avait séparé de notre petit. »  Je ne t’ai pas obligé à te retourner pour ne pas que tu voies les larmes perler à mes yeux. Vraiment Matthew… toi et moi ne choissisons pas le moment opportun pour faire notre deuil. « Je n’étais pas assez lucide pour comprendre que ce n’était pas une trahison... ni assez forte pour m’accrocher malgré la douleur. Alors, je t’ai fait porter toute la culpabilité, et j’en suis désolée. »  C’est la première fois que ce mot tabou est prononcé entre nous. Peut-être aurait-il dû venir d’abord de toi… qu’en sais-je en fin de compte. Il est mis sur le devant de la scène maintenant, alors n’en parlons plus. « Tu as sauvé la mère que je veux être. Tu as préservé ma vie. »  Je ne parle pas du jour où tu m’as laissée seule après avoir ôté ce fœtus dans mon ventre. Je parle de ma vie après, du fait que si j’avais mis au monde cet enfant, chaque jour loin de lui, chaque jour à l’imaginer dans les griffes des princes des Ténèbres aurait été une lente agonie. « Alors ne me demande pas de faire une croix sur la tienne. »  J’attache mes longs cheveux puisque la vapeur d’eau commence à devenir étouffante. « Putain Matt ! Gloria te propose de rester en vie. De respirer, d’être vivant. Elle te propose la vie et toi, tu choisis la mort. »  Et cette décision me dépasse. J’ai beau savoir que tu n’as jamais rien voulu savoir des humains… ça me dépasse. Corde sensible ? Tentons le coup. « « Deux décennies durant, j’ai tout ignoré de mes pouvoirs. Ma mère avait fait le choix de cacher mon existence aux princes des ténèbres. Et… je suis toujours en vie. Si ma grand-mère, qui même si c’était une femme charmante n’avait plus la lumière à tous les étages sur sa fin, a réussi à me garder en vie, alors je peux le faire pour toi. »  Je n’utilise ni le mot « aide », ni « soutien » ni tout autre dans ce même style. Ce serait trop condescendant pour toi. « Je ne vais pas te dire que je ne peux pas vivre sans toi, je peux vivre sans toi... Mais j'en ai pas envie. »  C’était simple. Alors je ne peux envisager que ta décision soit simple aussi : tu acceptes et tu vis. Point.

In the end

Abandonner Ilana dans cette chambre est bien plus simple que de l’affronter. Ce n’est pas tant de la lâcheté, c’est juste que comme elle l’a dit, je n’ai pas envie qu’elle ait cette dernière image de moi, je préfère qu’elle en ait une bien meilleure, du temps où j’étais beaucoup plus en forme. Alors oui, même si une part de moi souhaiterait que tu restes, il y a l’autre qui désire te voir partir mais puisque tu ne le fais pas alors c’est moi qui te tourne le dos, moi qui te laisse toute seule dans cette pièce. Arrivé dans la salle de bain, j’ouvre les robinets de la douche avant d’aller me brosser les dents, et oui même les démons doivent prendre soin de leur hygiène et j’ai sincèrement envie de retirer ce goût métallique de ma bouche. Je rince ma bouche et me regarde dans la glace, incapable de reconnaître le démon que je suis. Où est passé Matthew Storm ? Pour la première fois de ma vie, je déteste le reflet que je vois, je déteste être… cette maudite loque. Mais ne serais-je pas pire sans pouvoirs ? Humain… Ce mot n’est pas fait pour me correspondre. Cette vie n’est pas faite pour moi.

C’est un soupire qui s’échappe de mes lèvres avant que je ne vienne retirer mes chaussettes et je n’ai pas le temps de retirer mon jean qu’une main se pose sur mon épaule, celle d’Ilana. Alors tu n’es toujours pas partie. « Tu n’as pas tué notre fils. » Ces mots me pétrifient. C’est la première fois que tu ne me considères pas comme le véritable meurtrier de notre enfant et si j’aurais aimé que tu comprennes à l’époque, je ne suis pas sûre que ça aide que tu le comprennes à présent. « Ilana, arrête… » Ne commence pas à t’aventurer sur ce terrain-là. Sauf qu’évidemment tu ne m’écoutes pas, tu continues et c’est probablement une bonne chose que je ne me sois pas retourné vers toi, ça doit être plus simple pour toi, en tous cas ça l’est pour moi. Tu n’as pas le droit de prononcer ces mots. Tu n’as pas le droit de dire que tu comprends à présent, de dire que… que quoi ? Tu me pardonnes ? Pourquoi me dis-tu ça maintenant ? Penses-tu au moins ces mots ou n’est-ce qu’une façon de me convaincre que la vie en vaut la peine, que toi et moi on a encore de l’espoir. Est-ce vraiment le cas, Ilana ? Parce que même si tu es capable de me pardonner, moi je ne me pardonne pas, peu importe s’il n’y avait pas d’autres choix, ça ne retire rien au fait que je l’ai tué.

Est-ce moi où il fait une chaleur étouffante ici ? Mes yeux me piquent et je préfère mettre la faute sur trop de vapeur dans la pièce s’ils commencent à briller mais soyons honnête, la réalité est toute autre. Sauf qu’un démon ne pleure pas, jamais, c’est une des fameuses règles qu’on m’a enseigné depuis ma plus tendre enfance. Ilana parle à nouveau de cette solution proposée par Gloria et je secoue la tête avant d’oser enfin me tourner vers elle. « Même si j’accepte cette solution... » Ne souris Ilana, je n’ai pas dit que je le ferais, j’en évoque juste la possibilité. « Même si je survis à mes ennemis, que suis-je censé devenir au juste ? Je ne connais rien au monde des humains. A quoi est-ce que je vais bien pouvoir servir sur Terre ? Parce qu’autant dire que j’ai passé l’âge de commencer des études. » J’ai besoin d’un véritable objectif Ilana, j’en ai toujours eu un en tant que démon mais en tant qu’humain ? Je ne serais qu’un fardeau pour toi et honnêtement je préfère mourir que de vivre de cette façon, même si c’est dur à entendre pour toi.

Mes doigts viennent doucement chercher les siens, les effleurant d’abord avant de les enlacer entre les miens. Pardonne-moi certains gestes Ilana, ils sont probablement assez déplacés au vue de notre situation mais d’une certaine façon ils me font du bien. « Je regrette le temps où on était ensemble… Où tout se passait encore bien. Où je me sentais assez fort pour te protéger de tout. » J’aimais te savoir à mes côtés, respirer les effluves de ta peau, admirer tes sourires, j’aimais aussi te provoquer et te mettre sur les nerfs parce que je savais qu’on finirait par se réconcilier au lit. Toi et moi, ce n’était pas n’importe quelle histoire. « Je n’ai jamais été capable de te demander pardon parce qu’en réalité je ne voulais pas que tu le fasses. Je ne le méritais pas. » Parce que même si je n’ai eu d’autre choix que de le tuer, j’aurais dû faire les choses différemment, mais j’avais besoin que tu me détestes plus que n’importe qui, j’avais besoin de ta haine envers moi parce que si tu avais été capable de me pardonner à l’époque, je n’aurais jamais pu aller les affronter et les choses auraient tournées à la catastrophe sur Terre comme en Enfer. « J’aurais aimé fonder cette famille avec toi… Etre un père présent et protecteur. Etre un bon mari pour toi. » Mais c’est un rêve que je n’ai jamais eu le droit de visualiser, parce que je suis un démon, parce qu’on attendait certaines choses de moi, parce qu’on m’a toujours dit que mon destin était déjà tout tracé. « Mais on sait tous les deux que je n’en aurais pas été capable, un démon finit toujours attiré par le sang et le pouvoir, par la destruction. C’est dans mon âme Ilana, c’est dans mes gênes. Je ne peux pas changer ce que je suis. »

In the end

Matthew n’a toujours rien dit. Comme à son habitude, il m’a laissé parler, il n’a pas cherché à m’interrompre. Peut-être était-ce trop difficile pour lui d’entendre tout ce que j’avais à lui dire ? Qu’en sais-je ? Matthew ne partage que très peu sur ses sentiments ou sur quoi que ce soit qui touche à son intimité. Néanmons, il finit par se retourner pour plonger son regard dans le mien  « Même si j’accepte cette solution... » Je manque de laisser échapper un sourire, mais avec des si…  « Même si je survis à mes ennemis, que suis-je censé devenir au juste ? Je ne connais rien au monde des humains. A quoi est-ce que je vais bien pouvoir servir sur Terre ? Parce qu’autant dire que j’ai passé l’âge de commencer des études. » Cette fois-ci, un tendre sourire s’installe sur mes lèvres rougies par la chaleur de la pièce. Bien évidemment que Matthew ne s’inscrirait pas à l’université et ne participerait pas au bureau des élèves. Au cas où ça t’était sorti de la tête Matthew, je n’ai plus l’âge d’une étudiante non plus. Alors oui il faudra trouver des objectifs, quelque chose à faire. Mais la vie mérite tellement de se battre que rien que de savoir que, demain matin encore, tu ouvriras les yeux : c’est pour moi un bel objectif d’atteint.

Tes doigts s’entremêlent aux miens. Nous ne devrions pas abuser de ces gestes d’affection. Je crains que ça ne nous s’embrouille l’esprit, que ça m’éloigne de mon objectif principal : te faire changer d’avis. Te garder en vie. Mais lorsque ta peau frôle la mienne, mon esprit s’affolle et je sais que ma lucidité en prend un coup. Et je te déteste pour ça. Parce que tu ne peux ignorer l’effet que ta peau éveille en moi. Et tu en profites. « Je regrette le temps où on était ensemble… Où tout se passait encore bien. Où je me sentais assez fort pour te protéger de tout. » Je ne bouge pas, je ne fais aucun mouvement brusque. A cet instant, je sens que tu es comme un petit animal qu’un seul bruit pourrait effrayer. Et malgré le mal que tu me fais à cet instant, je veux que tu continues à me parler. À te confier. Comme si c’était la dern… non, comme si c’était la première fois de tant d’autres à suivre. « Je n’ai jamais été capable de te demander pardon parce qu’en réalité je ne voulais pas que tu le fasses. Je ne le méritais pas. » Mériter. Mériter. Mériter ! Matthew, n’as-tu donc que ce mot à la bouche ? Plus tu exprimes ton ressenti, plus je ressens que nous n’avons pas du tout la même vision de la vie. Alors soit, je partagerai avec toi ma vision et tu finiras par y adhérer ! « J’aurais aimé fonder cette famille avec toi… Etre un père présent et protecteur. Etre un bon mari pour toi. » Mes yeux se brouillent à nouveau, et je laisse échapper un petit rire gêné. Si l’un d’entre nous devait pleurer, ce n’était sûrement pas moi. Je n’ai pas le droit de pleurer, comme il n’a pas le droit de me dire tout ça. Tous ces mots que j’aurais tant voulu entendre il y a des années. Pourquoi maintenant ? Pourquoi comme ça Matthew ? Famille, père, mari. Merde Matthew… c’est toi qui finiras par avoir ma peau.  

« Mais on sait tous les deux que je n’en aurais pas été capable, un démon finit toujours attiré par le sang et le pouvoir, par la destruction. C’est dans mon âme Ilana, c’est dans mes gênes. Je ne peux pas changer ce que je suis. » Je secoue négativement la tête. J’ai besoin de faire une pause là. La chaleur, ta proximité,  tes révélations, cette épée de Damoclès… C’est trop. Mais pourtant, ma main glisse le long de ton bras. Ta peau nue sous la pulpe de mes doigts m’électrice. « A quoi est-ce que tu vas bien pouvoir servir sur Terre ? Parce que tu penses réellement que c’est à ça que se résume la vie Matthew ? A servir à quelque chose ? » Bien évidemment, Félicia a élevé son fiston dans l'obligation de résultats et d’utilité. Je lui souris alors que je continue à tracer des traits imaginaires sur le bras de Matthew. « J’ai le regret de t’annoncer que tu te fourvoies. Tu ne dois pas servir de la vie, tu dois te servir de la vie pour atteindre tes « objectifs » comme tu le dis. Tu dois être complice de la vie, pas en être son esclave. »  Et je lui donne une petite claque sur l’épaule. « Et par Merlin tout puissant, arrête aussi avec cette histoire de mérite. Que veux-tu m’entendre dire ? Que tu ne méritais pas comme épouse ? Que tu ne méritais pas que je te donne un fils ? A part nous faire plus de mal à tous les deux,  je ne vois pas en quoi cela pourrait t’aider. Franchement, je ne vois pas. » Ma main remonte le long de ton cou, et je la passe dans tes cheveux. Mais je n’approche pas mon corps du tien, parce que je ne veux pas que ma lucidité soit totalement anéantie par cette proximité.« Je vais te dire comment j’envisage la solution que Gloria nous propose » J’insiste sur le nous, tu n’affrontes pas cette épreuve toute seule. « Être humain, c’est tout accepter. Oui accepter le chagrin, accepter les pertes, accepter les défaites. Parce que lorsque tu as des pouvoirs, tu peux prendre une potion pour adoucir ta rancune, faire disparaître ton amertume. Tu peux jeter un sort pour devenir amnésique et ne plus rien ressentir. » Ai-je besoin de te rappeler que tu l’avais fait pour moi ? « Lorsque tu es humain, tu n’as pas tout ce panel d’aides pour te sortir la tête de l'eau lorsque tu te noies dans toutes ces émotions merdiques. Mais tu ressens avec beaucoup plus d’intensité l’amitié, l’amour, la joie, le bonheur. Tu ressens tout au centuple… et ça Matthew, c’est merveilleux. »  J’entortille mes doigts dans une de tes mèches de cheveux. «« Je te promets que je serai à tes côtés à chaque étape. J’ai envie de t’aider, rien ne m’y oblige. Je pourrais te laisser là, et me préserver de cette image déplorable que tu me donnes. » Peut-être que la corde sensible ne marche pas. Alors autant être crue et directe. « Aide toi Matthew… Aide moi. Que veux-tu que je fasse de plus ? Dis moi, et je le fais. » Peut-être ai-je moi aussi en prononçant ces quelques mots signer ma perte.

In the end

Je n'ai jamais été doué pour m'exprimer, toi mieux que personne le sais, toi mieux que personne me connais réellement. Tu sais quelle éducation j'ai eu, tu as toi-même connu mes deux parents, tu sais que j'ai rarement fait de bonnes choses dans ma vie, pas aux yeux des humains en tous cas, pour les démons c’est forcément différent. Pourtant avec toi les choses ont été différentes, avec toi je me suis senti réellement vivant pour la première fois et cette sensation, j'aimerais la retrouver à nouveau, ne serait-ce qu'une dernière fois. Parler n'est pas mon fort, mais il faut que je te dise ces mots, il faut au moins que tu saches ce qu’il en est, ce qu’il en a réellement été. Toi et moi on s’est autant détesté qu’on s’est aimé mais ce sont ces derniers sentiments que je décide de retenir parce que ce sont eux qui ont le plus comptés. Je ne te dis pas ces mots pour te faire de la peine Ilana, par pitié ne pleure pas parce que je ne veux pas regretter de te les avoir dis même si c’est un peu tard pour ça. Je ne veux pas qu’il ne te reste que le négatif de nous.

A ce moment-là je ne considère toujours pas qu’il y ait un futur possible, qu’une vie d'humain puisse réellement m'attendre. Je ne suis pas sûr d'en vouloir, je ne suis pas sûr d'avoir ma place parmi les humains, je ne pense même pas être capable d’apprécier cette espèce un jour. Sauf toi, tu as toujours été l’exception pour tout. Peut-être seras-tu aussi celle capable de me faire changer d'avis. Je sens ses doigts glisser le long de mon bras et profite de ce doux contact. Tu ne devrais pas faire ça Ilana… Tout comme je n'aurais jamais dû attraper ta main de la sorte. Pourtant je ne t’arrête pas. Comment le pourrais-je alors que j'ai envie que tu continues ? Et tu continues tout en me donnant tes arguments. Je ne dois pas servir la vie mais me servir de la vie. Est-ce ta philosophie ? Ta main continue de remonter vers ma nuque, vers mes cheveux et je sens que je ne vais pas pourvoir me retenir longtemps à ce rythme, je ne vais pas pouvoir m’empêcher de t'embrasser à nouveau. Alors si ce n'est pas ce que tu souhaites, arrête ça maintenant.

Evidemment c’est ce moment que tu choisis pour me parler des sentiments que je pourrais ressentir si j'acceptais de vivre et donc de devenir humain. Tu parles avec tant d’intensité que tu en arriverais presque à me tenter, sauf que tous ces sentiments qui te semblent si fabuleux m'ont toujours assez effrayé. T'aimer est ce qui m'a le plus rendu vivant mais c’est aussi ce qui m'a le plus fait souffrir. Et si tout ça devait être décuplé ? Je ne suis pas sûr de le supporter, pourtant je ne suis pas non plus du genre à fuir devant des épreuves. Et c’est après tous ces arguments que tu me poses cette dernière question, celle qui nous damnera tous les deux. « Je pourrais peut-être accepter cette vie… si c’est à tes côtés. » Comprends bien que je ne cherche pas là à te forcer la main, je sais que tu es avec Zark et c’est… très bien pour vous, mais tu ne peux pas me demander de tout ressentir intensément pour ne me laisser que douleur et abandon. « Je laisserais volontiers les flammes de l'Enfer me consumer pour toi, mais je ne peux pas accepter cette vie et me tenir loin de toi. » Je rapproche lentement mon corps du sien, ne laissant qu’un infime espace entre nos visages. « Je t'ai dans la peau Ilana… Et si je reste en vie je ne me contenterais jamais de te laisser à un autre. » Même si cet autre est Zark. Une fois de plus il semblerait que je vienne gâcher votre couple, parce qu’une fois de plus je ne peux pas m’empêcher de rompre le peu de distance qu’il reste entre nous pour venir capturer tes lèvres

Le baiser est différent de celui que nous avons partagé la veille, il est à la fois plus doux et plus intense, plus long également car je ne me contente pas seulement de me remémorer la saveur de tes lèvres. Ma main vient glisser contre ta joue tandis que nos langues se retrouvent, se redécouvrent. Si tu savais comme tu m'avais manqué Ilana, ton corps, ta façon de penser, ta passion. Le baiser dure tant que nous avons assez de respiration et c’est haletant que nous nous retrouvons tous les deux une fois le baiser terminé. Tu ne m’as pas repoussé… « Merci… » C’est assez étrange de dire merci dans un moment pareil j’en conviens, c’est pourtant le premier mot qui sort alors que mes doigts glissent doucement sous son menton et que je viens déposer un simple baiser sur le sommet de son front, un baiser qui prouve toute mon affection pour elle et c’est un sourire qui vient finalement traverser mes lèvres. Oui tu ne rêves pas, je souris bien. « Je crois que je pourrais t'embrasser durant des heures sans jamais m’en lasser. » Comme autrefois.

In the end

Ne serait-il pas plus simple que ce soir, dans cette modique salle de bain, nous rendions tous les deux notre dernier souffle ? Néanmoins, la romance à la Roméo et Juliette, ce n’est vraiment pas notre truc, n’est-ce pas Matt ? Il m’est difficile cependant de savoir quel est notre “truc”. Si des inconnus prenaient connaissance de la génèse de notre histoire, ne nous prendraient-ils pas pour des fous ? De la haine, nous sommes passés à une certaine tolérance, pour mener à bien une mission fomentée au sein d’une alliance, jugée par beaucoup à l’époque, comme improbable. Puis, très subrepticement, la tolérance a laissé place à une profonde relation de confiance. Et ce soir-là, lors d’une rencontre obscure près de la cascade, nous avons signé notre perte. Alors oui Matthew, entre nous, c’est bien l’histoire de deux fous.

Sous la pulpe de mes doigts, je sens que tu frissonnes. Est-ce la douleur ou mon contact qui te rend aussi sensible ? Je voudrais pouvoir arrêter ce geste, oui, l’arrêter et reculer parce que j’ai bien peur que tout devienne vite hors de mon contrôle. Si l’un de nous doit garder la tête froide ici, c’est bien moi. Mais ta peau, ta peau m’appelle Matthew. Et malgré le déni qui m’aveugle encore, mon subconscient semble vouloir garder un souvenir inaltérable de toi. De ton corps, de ta peau, de sa douceur… de son goût ? «Je pourrais peut-être accepter cette vie… si c’est à tes côtés. » Que veut-il dire par là ? Je voudrais lui dire que je suis là, que je suis à ses côtés. Néanmoins, j’ai peur de me fourvoyer à mon tour. J’ai peur de ne pas vouloir entendre, de ne pas vouloir comprendre ce que Matthew veut me dire. À mes côtés. Je voudrais pouvoir répliquer du tac au tac qu’il doit vivre pour lui. Et pour personne d’autre. Qui suis-je après tout pour avoir autant de pouvoir sur toi Matthew ? Tout d’un coup, c’est la peur qui coule dans mes veines, et immobilise ma main. Je ne devrais pas avoir autant d’effets sur toi. Comment peux-tu jouer ta vie sur la certitude de ma présence à tes côtés ? Je ne devrais pas compter autant pour toi. Je ne…. « Je laisserais volontiers les flammes de l'Enfer me consumer pour toi, mais je ne peux pas accepter cette vie et me tenir loin de toi. » Je t’en prie Matthew, ne continue pas. Je ne mérite pas de prendre autant de place dans ta vie – c’est amusant que ce soit moi qui parle maintenant de mérite. Parce que malgré ce que tu penses, je t’ai fait du mal aussi. Lorsque la première fois où mes lèvres ont touché les tiennes, tu as tenté de me repousser. Tu m’avais avertie qu’un rapprochement nous ferait souffrir. Et pourtant, je n’ai pas hésité à vouloir t’embrasser encore, à vouloir m’endormir dans tes bras. J’ai été égoïste, et cet égoïsme nous a fait beaucoup de mal Matt. Alors par pitié, ne me donne pas tant d’importance. Peut-être as-tu ressenti ma peur, tu rapproches nos deux corps. Pitié « Je t'ai dans la peau Ilana… Et si je reste en vie je ne me contenterais jamais de te laisser à un autre. » Un autre. L’autre. Zark. Ton père. Je ferme les yeux quelques instants. Comment puis-je être capable d’infliger une telle douleur à Zark ? J’ai déjà été victime d’une immense trahison, et voilà que je trahis Zark de la plus odieuse des manières. Ne dit-on pourtant pas : N’inflige pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on t’inflige ? S’il suffisait de se dicter un code de conduite pour le suivre, la vie serait bien trop simple. Je finis par de nouveau ouvrir les yeux lorsque je sens les lèvres de Matthew contre les miens. Elles ont le goût de l’interdit, du péché. Elles ont aussi le goût de la trahison. Mais… je m’accomoderai de la trahison si c’est la dernière soirée que nous devons passer ensemble Matthew. Je me repentirai chaque jour durant, mais ce soir, dans ses bras, je mets un voile sur la trahison. Puisses-tu me pardonner un jour Zark…

Matthew semble mettre toutes ses forces dans ce baiser, comme s’il avait besoin de se prouver quelque chose. De nous le prouver ? Il n’y a rien à prouver ici Matthew. Je sens la puissance de ton désir, et malgré cette culpabilité qui un jour je le sais finira par me dévorer, je ne peux qu’y répondre positivement. Nos deux bouches se cherchent et se titillent dans un profond silence. Mais un amour maudit ne fait pas de bruit. « Merci… » Quelle drôle de manière de finir un baiser. « Je crois que je pourrais t'embrasser durant des heures sans jamais m’en lasser. » Et moi, je crois que tu devrais arrêter de dire tout ça. Et en plus, voilà que tu souris. Veux-tu plutôt que ce soit sur moi que tombe l’épée de Damoclès Matthew ? Avoue-le. Parce que ce sourire réflétant le bonheur, je ne l’ai jamais vu dessiner sur tes lèvres. Et là, je sors du déni. J’ai compris. Aide-toi. Aide moi. Je ne peux pas faire plus que de te promettre de passer le restant de ma vie à mes côtés. Je te le dis, et je le ferais.

Puis, soudainement, un souvenir me frappe. Ta voix résonne dans ma tête. La froideur de ton regard traverse tout mon corps en entier. « Je ne vois pas d’avenir ensemble, seulement deux chemins séparés. Une famille ? Je n’en vois pas non plus.»  Et je fais un pas, puis trois loin de toi. Et je te regarde, je t’observe. Sans piper mot. Je vois que tu tends le bras vers moi, et l’espace d’un instant, je déconnecte. Totalement.

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Ving-trois heures. Et dix minutes. Assise à la table du salon, je tourne la cuillère dans mon café au lait. Ça fait exactement trois heures que tu devrais être rentré. Ça fait exactement deux heures et cinquante-neuf minutes que je tente tant bien que mal de ne pas céder à la panique. J’ai bien vu que tu n’étais pas bien ces derniers temps. Tu rentres de plus en plus tard du boulot, tu enlèves tes chaussures, et combien de fois es-tu allé te coucher sans même réchauffer le plat que je t’avais laissé dans le micro-ondes. Alors certes, les plats que je prépare ne font pas saliver, mais ce n’est qu’un épiphénomène. Lorsque je te parle de son arrivée, tu te contentes de hocher la tête dans un sens ou dans l’autre pour répondre à mes questions. Tu sembles perdu, comme si à chaque pas que tu faisais, tu manquais de te casser la gueule. Et moi, je ne demande qu’à te retenir, qu’à te guider mais tu ne me laisses rien faire. Tu ne me dis pas où tu souffres alors comment puis-je t’aider ? J’entends enfin les clés tourner dans la serrure de la porte d’entrée. J’essuie mes yeux bouffis par les larmes avec le revers de ma robe de chambre. Je ne te laisse même pas franchir le pas de la porte, que je te tombe dessus. « Tu devais rentrer pour le dîner. Tu… tu aurais au moins pu m’appeler avec ton portable. Si tu as besoin que je t’explique de nouveau comment ça marche, je peux… »  Et là, tu réponds d’un ton encore plus sec. « Je ne t’ai pas besoin de ton aide. Alors ça va ! »  Immédiatement, je vois que tu regrettes. Ce ton, ces mots, cette colère en toi. Pourtant, tu commences à monter les marches pour aller te coucher. Je me précipite alors pour te barrer la route. « Non, en fait, ça ne va pas. Ça ne va même pas du tout. Explique moi ! Que se passe-t-il ¿ »  Il me voit, pour me voir il me voit. Sa tête est tournée vers moi, et ses yeux balayent mon corps du regard. Pourtant, il ne me regarde pas. « Oh Matthew ! Tu te sens concerné par la discussion ? »  Je claque les doigts devant lui. « Oh, tu me regardes ? »  J’ouvre grand les bras. Vêtue d’une robe de chambre rose bonbon nouée juste où dessus de mon énorme ventre, c’est vrai que je n’ai rien de bien sexy mais merde Matthew ! « Je suis enceinte de toi, tu le sais ça au moins ? Alors merde Matthew, dis moi quelque chose. N’importe quoi. Ça me tue parce que je vois bien que tu es malheureux, et je suis impuissante. Je t’en prie, dis moi… parle-moi. » Je pose ma main sur ton avant-bras mais tu te dégages tout aussi rapidement. Je ne pleure pas, j’ai bien trop versé de larmes ce soir. Je mords ma lèvre inférieure, et je me lance. « Tu regrettes ta décision, ce soir-là, c’est ça ? Tu regrettes de n’être qu’un simple humain hein ? »  Tu regrettes de ne pas être mort. Je le pense mais je ne peux pas le formuler, parce que ça me tuerait. Je ne dis plus rien, et me contente de le regarder. Là, et longtemps, il me regarde. Oui ses yeux sont plantés dans les miens. Mais aucun son ne sort de sa bouche, et après quelques secondes, je le vois hausser les épaules. Il regarde mon ventre, et hausse une deuxième fois les épaules. Et il monte, sans rien dire. Cette fois-ci, je ne cherche pas à le retenir. Je passe une main sur mon visage, et l’autre caresse mon ventre. Et je tourne la tête vers les deux valises que Matthew n’a même pas remarqués en bas des escaliers. Elles n’attendent que moi. Mais vois-tu mon cher, je ne regrette pas la décision que j’ai prise ce soir-là. Contrairement à toi. Alors au lieu de claquer définitivement la porte de cette maison à l’ambiance mortuaire, je monte me coucher à côté de toi. À côté de ton corps, mais à mille lieux de ton cœur.

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« Je ne vois pas d’avenir ensemble, seulement deux chemins séparés. Une famille ? Je n’en vois pas non plus. »  Deux chemins côte à côte mais qui jamais ne se rencontrent ? Une famille, un simulâcre de famille ? Je ne veux pas de tout ça. Je ne peux même pas envisager que cette vision, fruit de mon esprit, puisse être un jour réelle. Tu tends toujours ton bras vers moi, pour que je le prenne. Et sur ton visage, je lis ton inquiétude… peut-être même de la peur. Alors je tends le main, et nos doigts s’effleurent. « Matt, je veux que tu restes en vie. J’ai besoin que tu restes en vie. Et avant, j’aurais pu dire que je donnerai ma vie contre la tienne mais… » Je lui souris « J’ai grandi, j’ai mûri et j’ai surtout appris de mes erreurs. Alors aussi intensément que je veuille que tu restes en vie, je ne veux pas que tu le fasses seulement pour moi. »  Il est perdu, et je dois avouer que je le suis tout autant que lui, et… « Laisse-moi être plus claire. »  Je m’appuie contre la porte de la douche. « Je t’aime Matthew, n’en doute pas. N’en doute plus. »  J’évite ton regard, j’ai peur de ne pas être suffisamment lucide. « Mais ça ne peut pas être suffisant. Pour toi, ça ne doit pas être suffisant. Une fois ta décision de devenir humain prise, que ce soit dans les moments de bonheur ou dans les moments de doute, l’amour que je te porte ne sera pas suffisant. Tu traverseras des dizaines de moments où tu douteras de ta décision, où tu te demanderas même si la mort n’est pas qu’une douce consolation face aux épreuves d’une vie humaine. Même des moments où tu douteras de nous. »  Je suis lucide pour deux Matthew. Je me dois de l’être parce que je ne veux plus que nous souffrions. « Je t’ai demandé ce que tu voudrais que je fasse de plus et… »  Je prends une profonde inspiration. « C’est toi que je choisis, maintenant et demain. Et je ne te choisis pas parce que tu vas mourir, mais parce que même si ce soir doit être le dernier, je ne veux être nulle part ailleurs. »  Bien évidemment, le visage de Zark me revient en mémoire. La discussion que je dois avoir avec lui sera douloureuse. Sans doute plus douloureuse que celle que nous avions Matthew. « Je prends mes responsabilités. Si t’as besoin d’un papier, que je signe quelque chose… »  Je plaisante évidemment, pour dédramatiser la situation. « Mais j’ai besoin que toi aussi tu prennes tes responsabilités. Que tu prennes pleinement conscience que si même si je fais partie de l’équation de ton bonheur, je ne suis pas la seule variable de ce bonheur. »  L’air se fait rare non ? Je sens que je vais étouffer parce que je me suis mise totalement à nue. Cette fois, j’ai fait un choix. Définitif et ferme, et mes jambes tremblent un peu en attendant ta réaction.

In the end

Tu as répondu à ce baiser. Tu as aimé ce baiser, ne me mens pas, ne te mens pas Ilana… Alors pourquoi recules-tu ? Tu t’éloignes, d’un pas, puis un deuxième et encore un autre et la peur se lit dans tes yeux. Que se passe-t-il ? De quoi as-tu peur ? Je tends la main vers toi mais tu ne sembles même pas la sentir, tu ne sembles même pas la voir. « Ilana ? » Tu ne sembles pas m’entendre non plus. Où t’a donc emmené ton esprit ? Loin de moi apparemment. Ça ne dure pas longtemps et trop longtemps à la fois. Tu finis tout de même par revenir à toi, tendre les doigts vers moi et prendre la parole. Tu veux que je vive mais pas seulement pour toi. Pour quoi d’autre alors ? Pourquoi choisirais-je cette vie d’humain si ce n’est pas pour toi ? J’étais prêt à mourir Ilana et je le suis toujours en réalité, je préférerais toujours mourir en tant que démon plutôt qu’en humain, sauf que je peux choisir une vie humaine à tes côtés plutôt que de mourir démon et seul. Tu me demandes d’avoir une autre raison, mais à ce moment-là je n’en vois pas vraiment d’autres. Tu ne peux pas juste dire que tu m’aimes maintenant et me demander de ne pas te choisir si je n’ai pas d’autre raison que toi de choisir cette vie, parce que c’est le cas, je n’ai pas d’autre raison de vouloir être humain.

Peut-être regrettes-tu d’être venue. Peut-être regrettes-tu ce baiser, ce rapprochement, ce nous qui n’aurait jamais dû exister. Sauf que tu continues de m’expliquer ton point de vue, de dire que notre couple ne sera pas toujours suffisant, qu’il me faudra autre chose. Honnêtement Ilana si je dois avoir un autre but, ce ne sera pas de me contenter d’un boulot d’humain, ce sera plutôt de chercher une solution pour récupérer au moins une partie de mes pouvoirs, ou en avoir de nouveaux peut-être, en gros redevenir démon d’une façon ou d’une autre. Peut-être que ce serait possible… Je n’ai jamais cherché à voir les choses sous cet angle-là. Un humain peut devenir démon, mais est-ce qu’un ancien démon devenu humain peut le redevenir ? C’est une question qu’il faudra que je pose à Gloria, elle a toujours réponse à tout après tout.

Je comprends qu’Ilana ne regrette pas lorsqu’elle dit qu’elle me choisit et n’ira nulle part ailleurs. Pas même pour Zark ? Apparemment non. Je vois les jambes d’Ilana trembler après tout ça et ce sont mes lèvres qui viennent s’écraser contre les siennes pour l’empêcher de continuer de parler. Je sais que ça ne t’aidera pas à reprendre ta respiration mais peut-être que ça te calmera un peu parce que je crois ne t’avoir jamais entendu parler autant et même si j’apprécie t’entendre te révéler à moi de la sorte, j’ai aussi besoin d’un petit temps de réflexion et ce baiser est suffisant pour me remettre les idées en place après tout ça. Et dire que quelques temps auparavant j’aurais fuis rien qu’à l’entente des mots ‘je t’aime’. Le baiser se rompt mais mon regard se plonge dans le sien, parfaitement sérieux. « Je ne peux pas te dire que je ne le fais pas pour toi Ilana… Et oui j’ai bien entendu ce que tu viens de dire mais laisse-moi finir. » Ou plutôt commencer. « J’étais prêt à laisser la faucheuse m’emporter il n’y a pas moins de quelques minutes alors oui, si je choisis de vivre ce sera avant tout pour toi. » Je ne vais pas lui promettre des choses inutiles ou lui mentir, ça ne nous servirait à rien. « Alors je ne peux pas te promettre que cette vie me plaira parce que même si je suis convaincu d’être heureux à tes côtés… » Je marque un arrêt avant de finir par reprendre. « Je suis effrayé à l’idée de devenir humain. » Et si j’ai toujours eu du mal à parler de mes sentiments, s’il y a bien une chose que je n’ai jamais laissé passer jusque-là ce sont mes craintes. Un bon démon se doit de ne pas avoir peur, ou à défaut de cacher ses craintes pour ne pas que ce soit une faiblesse dont on pourrait se servir. « Mais je peux te promettre d’essayer de trouver d’autres variables. » Il le faudra de toute façon, parce qu’Ilana n’a pas tort dans son raisonnement, j’aurais probablement du mal à me contenter d’une vie sans but excepté le partage d’une vie sentimentale.

Je n’ai pas mieux à proposer à Ilana pour l’instant alors soit on s’en contente et on avance au jour le jour, soit on abandonne dès à présent et on se dit au revoir ce soir. Je n’ai jamais eu peur de la mort, étrangement vivre humain m’effraie bien plus. Félicia aurait probablement honte de son fils si elle me voyait ce soir, une chance que nous ayons perdu contact. « En échange tu devras accepter de passer la soirée avec moi. » C’est d’un air bien plus détendu que je prononce ces mots, affichant ce petit air de mise au défi tandis que mes doigts glissent sur la peau de son cou, descendant lentement mais dangereusement vers sa poitrine.

In the end

Aucune parole n’avait eu autant d’importance. Aucun mot jamais sorti de ma bouche auparavant n’avait eu autant de signification à mes yeux. Et c’est pour cela que mes jambes tremblent. Comme si tout mon corps était écrasé sous un poids invisible. Tout l’amour, toute la détermination que j’ai mis dans ces dernières paroles m’ont laissé exangue. Alors que je cherche quelque chose pour me rattraper avant de définitivement flancher, je sens les lèvres de Matthew s’écraser contre les miennes, en même temps qu’un de ses bras entoure ma taille. Encore une fois, et à mon grand désaroi, il arrive à pic. J’aime sentir sa bouche contre la mienne, son souffle se mêler au mien pour ne faire qu’un. Pourtant, je voudrais qu’il dise quelque chose. Que cette “mise à nue” de mes sentiments trouve du répondant. Je ne lui demande pas de me rendre l’appareil. Jamais je ne le forçerai à s’exprimer s’il ne s’en sent pas capable. Néanmoins, il ne doit pas penser que ce fut si facile pour moi de me confier autant. Parce qu’il n’en est rien. « Je ne peux pas te dire que je ne le fais pas pour toi Ilana… Et oui j’ai bien entendu ce que tu viens de dire mais laisse-moi finir. » Bien évidemment, je manque répliquer au tac au tac mais je préfère faire mine de rien, tout en sachant qu’il n’est pas dupe. « J’étais prêt à laisser la faucheuse m’emporter il n’y a pas moins de quelques minutes alors oui, si je choisis de vivre ce sera avant tout pour toi. » Je fixe Matthew, je ne le lâche pas du regard. Je tente de dénicher une expression, un mouvement de sourcil qui pourrait me faire douter. Je ne trouve rien, son regard ne trahit que son sérieux mêlé au malaise d’avoir à s’exprimer ainsi. Il ne me fait aucune promesse qu’il serait bien incapable de tenir. Evidemment, s’il faisait le choix de devenir humain – si, toujours des si, ce serait principalement pour moi. Je ne lui demande pas de me rétorquer le contraire parce que nous n’avons pas le temps de nous mentir. Nous n’avons plus le temps. « Alors je ne peux pas te promettre que cette vie me plaira parce que même si je suis convaincu d’être heureux à tes côtés… » Je laisse échapper une longue respiration. De soulagement ? Si je l’avouais à Matthew, je sais pertinemment qu’il ne me croirait pas. Il semble de plus en plus se projeter dans l’idée de devenir humain. Heureux à mes côtés… pour la première fois Matthew, tu sembles envisager un futur. Et même si mon cœur se réchauffe, je n’en laisse rien échapper. «Je suis effrayé à l’idée de devenir humain. » Devant cet aveu de faiblesse, je lui adresse un tendre sourire tout en passant ma main sur sa joue. Je suis effrayée à l’idée de cette vie que nous imaginons ce soir Matthew. Je suis effrayée par le fait que nous parlons avec tant de facilité de nous, de futur et de bonheur. Tous ces mots qui autrefois te faisaient si peur. Je suis effrayée que ce soit l’approche de la mort qui te fasse te confier autant, comme si tu voulais que je sois la seule témoin de ton testament. « Mais je peux te promettre d’essayer de trouver d’autres variables. » Mais je ne dis rien, je ne te confie pas mes peurs. Parce que ce soir, je refuse de tout gâcher. Ce soir, je décide que le bonheur surpassera mes peurs.

A moins que ce soit le désir que j’ai pour toi Matthew qui surpasse tout ce soir. Je sens tes doigts glisser le long de mon cou, et un frisson me parcourt. Tu cherches ma poitrine cachée sous ma chemise blanche, ouverte de deux boutons au niveau du col. « « En échange tu devras accepter de passer la soirée avec moi. » Un rire spontané m’échappe alors que ta main déboutonne un troisième bouton. « Une nuit contre toute une vie. Est-ce que je n’y perds pas au change ? » Je le regarde d’un air malicieux. « Hum… laisse moi réfléchir. » Je fais mine de réellement peser le pour et le contre quelques secondes avant de rapprocher d’un coup sec ton corps du mien. Evidemment, ce geste brusque fait que la porte de la douche cède sous notre poids, et nous manquons de tomber mais encore une fois tu nous maintiens debout de justesse. Je fais mine de ne pas voir que tu souffres lorsque tu nous rattrapes. Je ne veux pas le voir, parce que… J’approche ma bouche de ton oreille. « Tu es tellement beau. » Je ne lui ai jamais dit. Je ne lui ai jamais avoué que jamais chaque parcelle de son corps. Que chaque fois que nos peaux s’effleurent, j’ai envie de lui. Alors ce soir, dans cette salle de bain, je veux lui montrer. Parce que les gestes valent mieux que les mots. Je m’éloigne de quelques centimètres, séparant l’espace d’un instant nos deux corps. L’eau chaude coule sur ma chemise blanche, laissant aperçevoir la rondeur de mes seins. Lorsque Gloria a fait interruption quelques heures auparavant chez moi, j’avais enfilé à la va-vite cette chemise ne pensant pas à me vêtir d’un soutien-gorge. Je laisse échapper un petit rire, me demandant réellement si je suis ridicule, à moitié trempée. Néanmoins, j’attrape ta ceinture et te fais doucement avancer vers moi. D’un coup d’œil bienveillant, je m’assure que tu ailles bien. Du bout des lèvres, je lance « Viens vers moi. » Je commence à t’embrasser sur la joue. « Ce soir, il n’y a que nous. Il n’y a que le désir que j’éprouve pour toi. » Pour mieux dévorer ton cou. « Et cette envie de t’avoir avec moi… contre moi… en moi… » Ma bouche s’occupe de ton cou alors que mes mains s’occupent d’ouvrir la boucle de ta ceinture. En réponse à l’échange que tu me proposais il y a quelques minutes, je réponds d’un ton taquin. « Marché conclu Storm. »

In the end

Ce soir nous parlons à cœur ouvert, c’est souvent comme ça quand la mort semble tout près, on arrive plus facilement à se dire les choses. Aurais-je été capable de prononcer ces mots si ma vie n’était pas en danger ? Probablement pas même si j’imagine que nous ne le saurons jamais. Quoi qu’il en soit je ne regrette pas parce qu’au moins Ilana sait à présent. Désormais elle est au courant de mes regrets, de mes craintes et de mes envies. Je ne serais jamais capable de te promettre un merveilleux avenir, mais je sais qu’ensemble on a nos chances de s’en sortir alors ça vaut le coup d’essayer, non ? J’ai envie d’essayer Ilana, pour toi, pour nous. Qui aurait cru qu’un nous serait encore possible après tout ce que nous avons traversé, mais j’ai envie d’y croire, j’ai envie de me battre pour ça. Tu verras Ilana… Tu verras qu’on peut le faire. Humain ou démon, peut-être finirais-je démon à nouveau, peut-être pas, mais là aussi ça vaut le coup d’essayer j’imagine, j’ai besoin d’y croire.

Le rire qui quitte ses lèvres ne fait qu’agrandir un peu plus mon sourire. Si tu savais que comme cette mélodie m’avait manqué en Enfer… Terriblement. Ilana remet en question cet échange que je lui propose et je me retrouve à hausser les épaules avant de répondre. « Vois plutôt les choses à ma façon, on y gagne tous les deux. » Je ferais toujours le choix qui nous permet de finir tous les deux gagnants, même si parfois ça ne semble pas être le bon, même si parfois ça a l’air d’être le pire, chaque décision prise jusqu’ici a toujours été mûrement réfléchie. Ou presque, parce que quand je suis aussi proche de toi il en devient difficile de réfléchir correctement. Je déboutonne un bouton de ta chemise alors que tu fais mine de réfléchir même si tu ne me berneras pas avec ce petit air innocent. Tu me surprends un peu en collant aussi violemment nos corps, il semblerait que tu aies aussi surpris la porte de la douche qui ne survit à l’action. A quoi bon avoir une porte après tout, autant être moderne ! Ou exhibitionniste, ça me va aussi. Ma main glissée dans son dos, je fais en sorte de nous maintenir debout tous les deux, autant éviter une mauvaise chute. Je te rattraperai toujours Ilana, peu importe ce qu’il en coûte, peu importe la douleur, je n’y fais même pas attention tant je suis bien à cet instant, à tes côtés et honnêtement ton murmure me fait perdre la tête.

Il y a du désir dans ta voix et ton corps collé au mien me fait perdre toute notion d’espace et de temps. « Ça tombe bien que je sois tout à toi dans ce cas. » Si j’ai envie de jouer les tentateurs avec elle, je m’avoue vaincu dès qu’Ilana se glisse sous les jets d’eau. Tu as gagné Ilana, tu es la plus tentatrice de nous deux. Divine beauté sous une pluie d’eau chaude qui révèle ta poitrine sous mon regard admirateur. J’ai toujours adoré ce corps. Je l’adorerai toujours. C’est son petit rire qui me tire de ma contemplation et sa main qui attrape ma ceinture pour m’attirer vers elle, même s’il n’y a nul besoin de ça pour que je me rapproche. Et c’est un « Toujours. » que je réponds lorsqu’elle me demande de venir vers elle. Je viendrais toujours vers toi Ilana, je serais toujours là pour toi. Tes lèvres se déposent contre ma joue et j’en veux plus, je veux plus de ce désir que tu évoques et qui me fait lâcher un petit grognement d’envie, surtout lorsque tes lèvres se déposent contre mon cou. Je crois avoir été assez passif pour ce soir Ilana, il est temps d’inversé la tendance.

« Bon choix. » Tu ne regretteras pas d’avoir conclu ce marché Ilana, je te le promets. Mes mains viennent glisser sous ses fesses alors que je la porte aussi facilement qu’une plume contre moi. Rassure-toi Ilana il n’y a pas de douleur, je ne la ressens pas quand je suis avec toi. Ses jambes s’enroulent autour de ma taille et son dos se retrouve plaqué au mur de la baignoire, l’eau continuant de couler davantage sur moi dans cette nouvelle position. « Où en étais-je déjà ? Ah, oui… » Mes doigts viennent débouter les derniers boutons de sa chemise mouillée que je ne retire pas complètement, je me contente de l’ouvrir et de laisser mon index glisser au milieu de sa poitrine et descendre jusqu’à son nombril. Ce sont mes lèvres qui viennent se déposer contre sa peau, goûtant à la saveur de son cou avant de poursuivre leur parcours sur sa poitrine. J’aime la sentir réceptrice de chaque baiser, de chaque caresse et je compte bien faire durer les choses, autant que nos retrouvailles soient marquantes. Et c’est une douce torture que je lui inflige en jouant avec son mamelon contre ma bouche, me délectant de ses soupires, voulant en entendre encore et encore. Puis je m’arrête d’un coup, pas pour la frustrer même si ça risque un peu d’avoir cet effet. Mon regard fiévreux se relève vers le sien et si je reste silencieux quelques secondes, je finis pourtant par prononcer ces mots. « Je t’aime Ilana Alom. Je tenais à ce que tu le saches. » Même si au fond tu n’avais probablement pas besoin de ces mots pour t’en rendre compte, ces mots que je n’ai jamais prononcé pour qui que ce soit, je tenais à te les dire.

In the end

La première alliance que Matthew et moi avons conclue avait bien failli nous mener à notre perte. Néanmoins, sentant le poids de son corps contre le mien, je sais qu’accepter son marché ne peut pas être une mauvaise décision. À vrai dire, même si c’était le cas, ça me serait complètement égal. Je sens la raison s’échapper de mon corps, pour laisser place à la passion. Et c’est tellement bon. Tellement bon de sentir que mes pieds quittent la terre ferme. Tellement mieux d’enlacer ton corps de mes jambes. Tu es à moi, tu es à ma merci, à moins que ce ne soit le contraire Matthew. J’en perds mon latin lorsque mon attention toute entière est tournée vers les doigts de Matthew frolant mes seins. « Où en étais-je déjà ? Ah, oui… »  Saleté. Je voudrais te faire payer l’ascendant que tu as sur moi à cet instant. Un soupir de surprise passe la barrière de mes lèvres lorsque je sens ta bouche contre mon téton échappé de ma chemise. Tu t’amuses avec ma poitrine, mes yeux se ferment, mes doigts se crispent contre ta ceinture qui n’a pas encore totalement cédé. Oui Matthew, je voudrais tant de te faire payer cette facilité que tu as à… « Continue ! »  Je lâche ce mot, comme une supplique. Je me déteste d’être autant sous ta coupe. Tu relèves la tête, et me fixe avec ardeur. Je voudrais pouvoir détourner la tête, comme si c’était à mon tour d’être gênée par cette intimité retrouvée. Seule l’eau chaude s’abattant sur nos deux corps rompt le silence qui s’est installé. Les soupirs de désir ont cessé, mais il n’en a pas moins disparu. Seulement, tout mon être est suspendu à tes lèvres et je vois le sourire malicieux qui s’installe sur ton visage. « Je t’aime Ilana Alom. Je tenais à ce que tu le saches. » Et moi je te hais encore plus. Et je ferai en sorte que tu le saches… Plus tard. Bien plus tard. Toujours les jambes autour de ta taille, je sens ton désir pulser contre mes hanches. Je ne peux pas l’ignorer, et tu ne fais rien pour le cacher. Ta bouche continue à taquiner mes seins, comme si tu t’amusais de me voir renverser la tête un peu plus à chaque fois. Je dégage une bonne fois pour toute ma chemise qui tombe sur le sol, laissant mes deux seins à la merci du démon. « Tu vas me rendre folle… et alors … »  Ma voix est plus grave, voilée par le désir qui s’insinue dans mon sang. Mon corps bat à rompre ma cage thoracique.

« Il sera trop tard. »  Comme si ce n’était pas déjà le cas. Comme si reposer les pieds sur la terre ferme allait me faire revenir sur le droit chemin. Pourtant, je le fais tout en commençait à embrasser le corps de Matthew. C’est étrange, j’ai comme l’impression de n’avoir jamais cessé de le faire. Ma bouche dessine une ligne droite sur ses pectoraux, et avance petit à petit vers son nombril. Mes mains ont vaincu la boucle de ta ceinture Matthew, et voilà que je me mets à rougir. Comme si c’était la première fois que sous mes doigts, je sentais ton sexe à l’étroit dans ce pantalon. Comme si c’était la première fois que je commençais à le titiller d’une main pendant que l’autre détachait le premier bouton de mon jean. Je rougis parce que oui, je me prends à croire que c’est la première fois d’une très, très longue série. « Je… je suis ridicule »  Tu marques une seconde d’arrêt comme si tu avais de nouveau besoin de ma permission. Comme si tu voulais t’assurer que c’était bien ton corps que je voulais. C’est bien plus Matthew. C’est ton cœur, ton corps, ton âme. Ma main continue à dessiner les contours de sexe sans pour autant le libérer alors que je t’embrasse avec fougue, nos dents s’entrechoquent. «  Tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même Matthew. C’est toi qui me rends et… »  Je sens que la main de Matthew me stopper, et là je sais. Je sais qu’il va reprendre le dessus, que malgré toutes mes tentatives, c’est moi qui suis dépendente de lui. Que j’ai beau faire la fière, c’est moi qui le supplierai. Et je sais, ce soir, au moment où tu reprends les rennes, « Tu es le seul, et le dernier. »  Oui, même si ce soir, tu devais mourir Matthew, tu seras le dernier à pouvoir m’embrasser. Que même si c’était un adieu, l’empreinte de ton corps dans le mien sera indélibile.

In the end

L’entendre m’ordonner de continuer m’amuse assez, j’aime l’effet que je te procure et je compte bien continuer, mais avant il faut que je te dise ces mots, parce que je ne sais pas si j’aurais le courage de les redire à un autre moment, un autre jour. On sait tous les deux que les mots ne sont pas mon fort, mais j’ai bien l’intention de continuer avec de l’action… beaucoup plus d’action. Alors c’est ce que je fais, reprenant là où j’en étais, te torturant comme il se doit en jouant de ma langue contre ta poitrine et c’est un sourire qui se dessine sur mes lèvres lorsque tu prétends que je vais te rendre folle. Est-ce mal ? J’ai toujours eu une préférence pour la folie. « Un peu de folie n’a jamais tué personne. » Ce n’est pas forcément le bon moment pour parler de ce qui est capable de tuer ou non, mais sur le coup je n’ai pas attention à ça. Sur le coup je ne fais plus attention à grand-chose, surtout lorsque la main d’Ilana commence à jouer de la sorte. Peut-être que tu ne seras pas la seule à finir folle ce soir.

Nos corps alignés l’un en face de l’autre, je vois tes joues rosir, comme si c’était la première fois et ne viens pas me dire que c’est parce qu’il y a trop de vapeur dans la pièce à cause de l’eau chaude qui continue de couler sur nous. Je ne sais pas pourquoi tu te trouves ridicule. Je te trouve magnifique. Je te regarde, arrête mes caresses pour ne pas te mettre plus mal à l’aise et je glisse mes doigts sous ton menton pour te pousser à me regarder dans les yeux. « On n’est pas obligé d’aller plus loin, si tu ne le sens pas. » Je ne veux pas que tu te sentes ridicule, je ne veux pas non plus que tu te forces parce que je suis entre la vie et la mort. Ce marché c’est juste un jeu, pas une obligation. Mais ses lèvres viennent s’abattre contre les miennes, un peu violemment et à vrai dire ça ne me pose pas de problème que nos dents s’entrechoquent, ça prouve juste son envie, sa passion, ça répond à mes questions. Ma main vient alors s’emparer de la sienne pour l’arrêter dans ses mouvements lorsqu’elle hésite dans ses mots. On n’a pas besoin de mots Ilana, nous n’en avons jamais eu besoin, mais entendre que je serais le seul et le dernier reste assez agréable je te l’accorde. « Je compte bien m’en assurer… » M’en assurer en faisant en sorte que tu sois comblée de toutes les façons. Tu n’auras jamais besoin d’aller voir ailleurs, tu n’en auras même pas envie parce que je sais mieux que personne ce qui est capable de te faire perdre la tête, comme tu l’as si bien dit.

Mes mains s’en prennent à ton pantalon et le retire, je pose un genou à terre pour faire glisser le tissu mouillé vers le bas de tes jambes l’une après l’autre, faisant en sorte de rendre le déshabillage bien plus sensuel en déposant quelques baisers sur tes cuisses par ci et là, en laissant mes doigts effleurer ta peau, l’intérieur de ta cuisse, l’arrière de ton genou, continuant leur trajet le long de ta cheville. Je me relève lorsqu’il ne te reste plus que ce dernier tissu dont je pourrais me débarrasser facilement, mais je ne le retire pas tout de suite, pas encore. Je sens les mains d’Ilana vouloir participer à nouveau mais je ne la laisse pas faire. Mes mains attrapent ses poignets et les relève au-dessus de sa tête, plaqués contre le mur de sa douche. Mon visage n’est qu’à un centimètre du sien lorsque je prononce ces mots avec un trop plein d’assurance. « Je ne fais que commencer. » Commencer à te torturer de la meilleure des façons. J’attrape tes deux poignets d’une seule main pour libérer la seconde et le dos de mes doigts vient glisser le long de ton bras, continuant leur trajet sur tes côtes pour finir par descendre jusqu’à ton bas ventre. Il y a des tas de façon de faire l’amour Ilana et je compte bien prendre mon temps avec toi. Mes lèvres viennent se perdre contre son cou tandis que mes doigts viennent se glisser sous ce dernier tissu, entamant ces mouvements lents et laborieux qui lui feront perdre la tête, à n’en pas douter. Restons dans notre bulle Ilana… Restons-y toute la vie.

In the end

« Je compte bien m’en assurer… »   Matthew prononce cette phrase avec un ton de défi. Et cela m’électrise un peu plus. Comme anticipé, tu prends le contrôle de la situation. Ton souffle sur ma poitrine commence à me faire perdre la raison, alors tes mains s’occupent de mon pantalon. Je le sens glisser le long de mes cuisses puis de mes mollets. Tu prends tout ton temps comme si tu voulais mémoriser chacun de mes réactions lorsque je sens ta bouche sur ma cuisse. La douceur de tes lèvres contraste avec la chair de poule qui parcourt tout mon corps. Tu t’amuses à me rendre un peu plus dans la demande à chaque fois. Lorsque tes lèvres quittent ma peau, je laisse échapper un soupir de frustration. En allant jusqu’à mes chevilles, tu t’éloignes de l’épicentre de mon désir. Et tu le sais, et tu te joues de moi. Alors je commence à glisser ma main le long de mon propre corps, mais tu t’arrêtes net. Avec un regard brûlant, tu attrapes mes deux poignets avec force et fais passer mes mains au-dessus de mon visage. A moitié nue, la poitrine à ta merci, je me sens vulnérable Matthew. Je ne peux me défaire de ton emprise. Le mur de la douche m’empêche de faire un mouvement, tout comme la pression de ton corps sur le mien. Je ne fais que commencer. »  Est-ce une menace ? Non, c’est une promesse. Et celle-ci je suis intimement convaincue que tu vas la tenir. Je le sais lorsque tes mains glissent sur mes avant-bras, et que moi, docile, je ne bouge pas. Mes yeux se ferment pour que tu n’y lises pas la fièvre qui s’empare de mon corps. Tes doigts frôlent ma peau tout en descendant. Encore. Trop lentement. Tu te délectes de voir mon corps se mouvoir, pour attirer tes mains sous ce fin tissu.  

« Tu avais promis de ne pas me torturer. »   Mais existe-t-il plus belle torture que celle infligée par l’homme que l’on aime ? Existe-t-il plus belle fin que celle infligée par l’instrument du péché ? Tes mains continuent à s’amuser sur mon bas-ventre alors que les soupirs s’échappant de ma bouche sont de plus en plus saccadés. Tu fais du temps un ami, et tu te perds sous mon sous-vêtement. Lentement, doucement, sûrement. Et moi, je commence tout doucement à perdre la raison. « Que cherches-tu Matthew ? À ce que je te supplie ? » Un éclair passe dans le regard de Matthew, comme si un peu plus encore, j’attisais son désir. Alors que Matthew s’occupe divinement de moi, mes mains se perdent de nouveau sur son corps à demi-nu. Je glisse mes deux doigts sous l’élastique de son boxer et cette ultime barrière cède. J’enroule ma main autour de cette virilité qui se dresse entre nous, et commence une douce chorégraphie. J’enfouis mon visage dans le cou de Matthew, et nos deux corps ne sont plus qu’à quelques millimètres l’un de l’autre. Et Matthew, tes doigts ne peuvent pas ignorer l’envie que j’ai de toi. Contre ta peau, je laisse échapper du bout des lèvres, « Je ne cèderai pas… » Je ne peux pas perdre la face. Tes doigts s’éternisent le lieu clé de mon plaisir, et mon sourire s’agrandit contre la peau de ton cou. « Tu triches, mon amour »   Je ne veux pas le supplier alors qu’intérieurement, rien ne pourrait me satisfaire davantage que sentir corps se faufiler dans le mien. Je mords délicatement la peau de son cou alors que je meurs sous la valse de ses doigts, et d’un ton « Dicte les règles du jeu, et je t’obéirai »  J’ai cédé. J’ai perdu.  

In the end

Je l’entends répondre à chacune de mes caresses et ça ne me donne qu’envie de continuer à la torturer, si du moins on peut appeler cela torture. Je sais que tu veux plus, ton corps qui se cambre sous mes doigts le prouve parfaitement, mais ça ne veut pas dire que tu n’apprécies guère ce que je t’offre là, tes soupires de plaisir te trahissent. Tu prétends que j’avais promis de ne pas te torturer mais je ne me souviens pas d’une telle promesse. L’ai-je faite ? Qu’importe après tout, ça ne changera rien au fait que ma main poursuit ces mouvements sous ce tissu mouillé. Mes lèvres quittent son cou pour remonter lentement vers son oreille et lui murmurer ces mots. « La frontière est fine entre torture et plaisir. » Et n’oublie pas que je suis encore un démon, je suis censé être doué en tortures. Mes dents agrippent doucement le lobe de son oreille et viennent tirer dessus alors que je ne me décide toujours pas à mettre un terme à ses supplices.

Puis tu me demandes si j’aimerais que tu me supplies et un sourire provoquant vient se dessiner sur mes lèvres. « Et si c’était le cas, le ferais-tu ? » Toi et moi on a toujours aimé se tenir tête, dans la haine comme dans l’amour. Je me décide enfin à libérer ses mains de mon emprise pour que nous puissions combattre à armes égales. Tu sembles avoir envie de jouer toi aussi… alors jouons. Quelques soupires d’aise viennent quitter la barrière de mes lèvres lorsqu’elle entame ces splendides mouvements. Pendant une seconde j’en perds même le fil de mes actions mais tu ne m’auras pas aussi facilement Ilana, je ne compte pas cesser de te rendre folle aussi vite et je sens son envie pour moi grandir au fil des secondes, tout comme elle doit sentir mon envie pour elle grandir également. Cède Ilana… A moins que ce ne soit moi qui cède en premier. Tu dis que tu ne cèderas pas mais il n’y a pas assez d’assurance dans ta voix. « Vraiment ? » Je lâcherai bien un : tu veux parier ? Mais je me retiens, au lieu de ça mes doigts s’attardent davantage sur la zone qui lui fera perdre toute envie de se battre et lorsque je la sens sourire contre mon cou, je sais que j’ai gagné. « Je ne triche pas, je mets simplement toutes les chances de mon côté. » Est-ce que c’est suffisant ? Il semblerait.

Un petit grognement s’échappe de ma gorge lorsqu’elle vient mordre mon cou, éveillant toujours plus mes envies de posséder son corps ici et maintenant. Ilana si tu ne cèdes pas tout de suite… « Dicte les règles du jeu, et je t’obéirai. » Elle a cédé. C’est un sourire victorieux qui vient se dresser sur mes lèvres juste avant que je ne lui arrache ce dernier tissu, me moquant bien qu’elle ne puisse plus le porter après ça, elle n’aura pas besoin de le remettre de toute façon. « Je te veux toute entière. » Voilà la nouvelle règle, toi et moi ne devons faire plus qu’un. Je glisse l’une de mes mains vers l’arrière de ton genou, relevant l’une de tes jambes contre ma cuisse et je cesse enfin de nous torturer. Fini de jouer Ilana, maintenant on passe aux choses sérieuses. Mon corps retrouve le sien et le redécouvre, le sent complètement. Le premier mouvement de reins est à la fois tendre et brutal, je soupire contre ta peau avant de revenir chercher la saveur de tes lèvres. Puis nos corps entament cette danse sensuelle et rythmée, une première fois sous la douche, une seconde fois dans la chambre. Te faire atteindre l’orgasme une fois n’était pas suffisant, je voulais te donner du plaisir à nouveau, je t’en donnerai des tas d’autres fois si c’est ce que tu attends de moi.

Je ne sais même pas combien de temps s’est écoulé, je sais juste qu’à cet instant je me sens parfaitement bien, allongé dans mon lit en train d’enlacer ton corps nu contre le mien. Je ne voudrais pas être ailleurs. Je ne voudrais pas être aux côtés de quelqu’un d’autre. Ta tête repose contre mon torse et mes doigts glissent lentement sur la peau de ton dos, incapable de te laisser tranquille, incapable de ne pas te toucher. J’en viens à me perdre dans mes pensées de longues minutes, peut-être même quelques heures, je n’ai plus vraiment la notion du temps ici. Puis cette phrase finit par quitter mes lèvres dans un murmure. « J’aurais aimé te retrouver plus tôt... » Je ne sais pas si elle l’entend, Ilana a les yeux fermés et je ne sais pas si elle dort réellement ou profite juste de ces caresses. Je regrette de ne pas être revenu plus tôt sur Terre, c’est toujours quand on est au bord du trépas qu’on trouve le courage d’affronter les choses. Est-ce que les choses auraient été différentes si j’étais revenu plus tôt ? Peut-être qu’on ne se serait jamais retrouvé de cette façon, ou peut-être qu’au contraire on aurait pu profiter de tels moments plus longtemps. Demain je devrais aller voir Gloria. Demain je serais soit devenu humain, soit mort.

In the end

J’ai fini par céder. Ce jeu me consumait de l’intérieur, et je ne pouvais pas le gagner. Au fond de moi, dès que Matthew a de nouveau posé un doigt sur ma peau, j’ai su que j’allais déposer les armes. Le sourire victorieux qui trône sur tes lèvres me donne envie de revenir sur mes paroles, mais d’un geste sec, tu ôtes l’ultime rempart entre nos deux désirs. « Je te veux toute entière. » Si c’est l’unique règle à ce jeu dangereux, je veux bien y jouer tous les jours et toutes les nuits avec toi Matthew. Je sens ton corps se rapprocher du mien, et je ferme les yeux lorsque je suis entièrement à toi. Une première fois, je te sens totalement en toi, et je mords ma lèvre jusqu’au sang. C’est si bon et si douloureux à la fois. Ton corps m’a tant manqué Matthew. Tu ne bouges plus, attendant ma permission. Je chuchote au creux de ton oreille,  «Ne t’arrête surtout pas », et nos deux corps se meuvent ensemble, dans une danse aussi torride que romantique. Les années ont passé, mais nous sommes toujours autant fait l’un pour l’autre. Chaque mouvement de rein m’électrice, et je caresse le dos de Matthew pour qu’il ne s’arrête pas. «S’il te plaît. » Des larmes perlent à mes yeux. S’il te plait, continue à me faire tienne ? S’il te plait, ne meurs pas ? J’aurais tellement de raisons d’avoir prononcé ces mots Matthew. S’il te plait, aime-moi chaque jour comme tu m’aimes ce soir.

Ma tête posée sur son torse, les yeux clos, je sens les doigts délicats de Matthew faire des va-et-vient sur mon dos comme quelques minutes auparavant, il faisait des va-et-vient dans tout mon corps. Une minute ? Deux heures ? Une vie ? Je ne sais combien de temps s’est écoulé depuis que mon premier cri de plaisir a trahi le silence de ce repère. Le temps m’importe peu. Être ici, à tes côtés, c’est le plus important et j’en savoure chaque instant. Comme si c’était le dernier. Nous respirons à l’unisson lorsque tu laisses échapper, « « J’aurais aimé te retrouver plus tôt... » Un sourire passe sur mes lèvres, mais je ne dis rien laissant quelques instants encore nos deux corps se reposer de cette intense nuitée.

Je finis par tourner ma tête vers Matthew. « Je voudrais arrêter le temps, maintenant » Ma bouche embrasse ton torse, ton cou pour finir longuement sur ta bouche. Le drap tombe sur mes hanches dévoilant à nouveau ma poitrine. Je ne rougis plus, mon corps est à toi Matthew. Rien qu’à toi. Néanmoins, mon regard se voile de sérieux. «Tu n’as pas toute la vie devant toi Matthew. » C’est un euphémisme. Je noue mes cheveux en arrière, laissant ma nuque à nue. J’hésite à lui poser la question, mais… cette fois-ci, on ne joue plus. C’est réel et c’est grave. «As-tu pris ta décision ? » Je ne peux envisager qu’il ne devienne pas demain un humain. Je ne peux envisager qu’il m’ait dit tout ça pour en fin de compte me laisser derrière lui. «Elle sera définitive, alors… prends la bonne. »

In the end

« S’il te plaît. » Ces mots résonnent encore dans ma tête alors que je suis allongé contre elle. Des mots auxquels je n’ai pas vraiment réagi lorsqu’elle les a prononcés, peut-être parce que je n’étais pas sûr de comprendre véritablement sa demande, d’ailleurs je ne suis toujours pas sûr de la comprendre à présent. Que voulait dire ce s’il te plaît, Ilana ? Ces trois mots me perturbent plus que tu ne l’imagines, mais je n’ai pas envie de me torturer l’esprit avec ça ce soir et surtout pas maintenant. Je la sens bouger au bout d’un certain temps, relever son visage vers moi pour me dire qu’elle aimerait arrêter le temps. Crois-moi si j’en avais la capacité je l’arrêterai aussi. L’une de mes mains est posée contre sa taille alors que je la regarde, toujours aussi belle. « Malheureusement je n’ai pas ce tour de magie en stock. » Autrement j’aurais déjà arrêté le temps, pour elle, pour nous. Sauf que le temps est justement mon ennemi à présent et Ilana me le rappelle bien.

Et voilà comment on revient rapidement à la réalité, une toute petite phrase peut être suffisante pour produire cet effet. Un faible soupire s’échappe de mes lèvres. Est-ce qu’on est vraiment obligé de parler de ça maintenant ? Je l’observe pendant qu’elle s’attache les cheveux, juste avant qu’elle ne vienne me poser la fameuse question. Je t’ai déjà donné ma réponse Ilana, cette nuit alors que je t’ai choisi, alors que je nous ai choisis. « J’ai déjà choisi, je ne compte pas revenir en arrière. » Il est vrai que j’avais choisi de mourir avant que tu n’arrives, mais tu m’as fait changer d’avis et ce serait cruel de ma part de revenir sur mon choix. « J’espère seulement que tu es consciente qu’il y a un risque que ça ne fonctionne pas. » C’est le jeu avec la magie, il y a toujours un risque que ça échoue. Je ne me rends même pas compte que les doigts de ma main droite tapotent nerveusement contre ma peau, le regard plongé dans le sien, j’aimerais lui promettre que tout va bien se passer mais je n’en suis pas capable. « Mais je le ferais. Demain j’irai voir Gloria pour lui dire que je suis prêt. » Mieux vaut le faire le plus tôt possible pour mettre toutes les chances de mon côté, même si en soit c’est déjà assez tard comme ça.

Les mouvements de ma main se stoppent et je me redresse sur mes avant-bras. « J’ai juste une chose à te demander… » Une chose que tu n’accepteras pas j’en suis sûr, mais c’est pour ton propre bien que je te fais cette demande. « Demain il ne devra y avoir que Gloria et moi, je ne veux pas que tu sois là. » Le ton paraît dur, peut-être un peu froid, mais Ilana ne doit pas croire que je céderai à sa demande de rester. Jouer avec la vie et la mort a toujours un risque, si les choses ne se passent pas comme il le faut et que je dois mourir sous les mains de Gloria, je ne veux pas qu’Ilana soit présente pour assister à ça, non seulement sa panique n’aiderait pas Gloria mais de toute façon je préfère lui épargner un tel spectacle. Si tout se passe bien Ilana n’aura qu’à attendre que je la rejoigne et toute la crainte sera derrière nous. « C’est ma seule condition. » Et je sais que tu pourrais bien m’en vouloir de te forcer la main d’une telle façon mais souviens-toi Ilana, je prendrais toujours la décision qu’il faut pour te préserver, même si sur l’instant tu auras l’impression qu’il s’agit de la pire.

In the end

Le retour à la réalité est violent. Alors que les doigts de Matthew se perdent toujours sur ma peau, j’entends un faible soupire d’agacement s’échapper de ses lèvres. Pense-t-il qu’aborder ce sujet me plait ? Il me déplait autant qu’à toi Matthew de faire éclater notre bulle, mais malheureusement, nous n’avons plus le luxe de nous vautrer dans la luxure comme autrefois. Tout mon être voudrait que les secondes cessent de s’égréner et que le soleil ne se lève jamais sur PassMagic. Mais la réalité est toute autre. Chaque seconde qui passe est une seconde de perdue. Cette nuit que nous avons passé t’a fait puisser dans tes réserves, je le sais. Matthew n’a rien voulu montrer, mais je sais que tu as serré des dents. Alors oui, nous sommes vraiment obligés de parler de ça. Maintenant. « J’ai déjà choisi, je ne compte pas revenir en arrière. » C’est cette fois-ci de ma bouche que s’échappe le soupire. De soulagement. J’ai réussi à te convaincre. Par mes mots, par mon cœur et ne soyons pas naïfs, par mon corps également. « J’espère seulement que tu es consciente qu’il y a un risque que ça ne fonctionne pas. » Le risque zéro n’existe pas. Ni la vie d’un humain, ni celle d’un démon n’échappe à la règle. Alors je hoche la tête pour appuyer ta phrase, même si je refuse de croire qu’il existe un plus grand risque que ta mort imminente. Les caresses se sont transformées en tapotement. Ton corps trahit ta nervosité, même si ton regard plein de tendresse veut me faire passer un autre message. « Mais je le ferais. Demain j’irai voir Gloria pour lui dire que je suis prêt. » Prêt à vivre. À mes côtés. Ensemble.

«Rectification. Demain, nous irons voir... » Je n’ai pas le temps de finir ma phrase que tu m’interromps. « J’ai juste une chose à te demander… » Tu te redresses difficilement mais je ne commets pas l’erreur de te proposer mon aide. Pas maintenant que tu as accepté celle de Gloria. « Demain il ne devra y avoir que Gloria et moi, je ne veux pas que tu sois là. » Son ton est froid et sec. Je frisonne en réponse à ce rapide changement d’ambiance. « C’est ma seule condition. » Je remonte le drap en soie sur ma poitrine, mais rien n’y fait. Le froid s’empare de mon corps.

Je me lève d’un bond, tournant le dos à Matthew. Je n’enfile qu’un pull traînant sur une chaise et une paire de chaussettes bien trop grandes pour moi, je ne m’embarasse pas de sous-vêtements. Je ne dis rien pendant une minute, mais mon cerveau fonctionne à plein régime. Pourquoi ne veut-il pas que je sois là ? Essayes-tu de te dérober Matthew ? Je ne peux pas le croire, alors il faut chercher une autre explication. Mais maintenant, égoïstement je le sais bien, je n’ai pas envie de comprendre pourquoi. Je me retourne alors vers lui en posant mes mains sur mes hanches. «Je ne suis pas d’accord. » Mon ton n’est ni sec ni tendre. J’exprime simplemet mon opinion. Si nous devons partager le restant de nos jours, il va falloir apprendre à communiquer posément. «Il y a trois façons de faire les choses, tu vois. La bonne façon… » Je fais le signe des guillements, pour qu’il comprenne l’ironie. «Celle où tu vas voir Gloria tout seul, pour te prouver je ne sais quoi.  La mauvaise façon : celle où tu décides de demander de l’aide à quelqu’un d’autre, et que tu ne veux pas que je le sache » Elina, bien évidemment que c’est elle, ce quelqu’un d’autre. Jalousie ? Que nenni. « Et la mienne. Nous allons ensemble voir Gloria parce que… » Je me rends bien compte que la distance que j’ai créée entre nous est contre-productive. Je ne suis pas contre toi Matthew. Je m’avance, et m’agenouille auprès du lit tout en prenant ta main dans les miennes. «Parce qu’il faudra une grande quantité d’énergie et de magie pour renverser le cours des choses. J’ai pleinement confiance en la puissance de Gloria, mais un peu de magie en plus, ma magie, ne pourra pas être de trop. » Mon ton est ferme. «A moins que tu juges qu’Elina soit encore plus à même de… t’aider. »Je lui adresse un sourire, mais je ne trompe personne. Bien sûr, Elina a plus de pouvoirs et de puissance que je n’en aurais jamais. Il fallait bien crever l’abcès. Matthew, je m’étoufferai avec ma jalousie toute seule dans mon coin si cette femme était nécessaire à ta survie. Mais pas de mensonge par omission.

In the end

Je sais que mes paroles ne plairont pas à Ilana ni même le ton employé, mais être doux ne m’aidera pas à la convaincre alors il faut bien être assez ferme. Tu es parvenue à me faire changer d’avis sur mon sort Ilana, ça ne veut pas dire que je veux que tu assistes à ce qui va suivre, ça pourrait être moche et dangereux et… Je ne te mettrais pas en danger de cette façon. Je la vois remonter le drap sur son corps pour se cacher de moi. Je reste silencieux lorsqu’elle se relève et n’essaie toujours pas de prononcer un mot, même lorsqu’elle commence à enfiler un pull. Le paradis sur Terre n’a jamais existé, pas dans mon monde en tous cas. J’attends, des secondes, des minutes. J’attends et elle finit par se tourner vers moi, me faire face à nouveau pour me dire qu’elle n’est pas d’accord. Evidemment que tu n’es pas d’accord, je ne l’aurais pas été non plus si la situation avait été inversée, mais c’est mon choix, je te demande seulement de le respecter.

Tu exprimes ton point de vue en approchant, lentement mais sûrement, jusqu’à finir par t’agenouiller près du lit et attraper ma main. Je n’ai pas vraiment la force de me battre contre toi Ilana, mais si c’est ce que je dois faire pour te préserver alors je le ferais parce qu’il est hors de question que je change d’avis. Et c’est là que tu te mets à parler d’elle. Elina. Evidemment que le sujet allait finir par revenir sur le tapis, tout comme le sujet Zark devra bien être exposé un jour. Est-ce qu’on est obligé de faire ça ce soir pour autant ? Si on se veut honnête, on sait tous les deux que sur un point de vue de puissance Elina est plus à même de m’aider que n’importe qui, mais tu n’as pas envie d’entendre ces mots et je n’ai pas envie de les prononcer. Je ne me vois plus vraiment demander de l’aider à Elina aujourd’hui de toute façon. « Tu vas vraiment faire ça maintenant ? » Parler d’Elina alors qu’en étant ici avec toi c’est la pire trahison que j’aurais pu lui faire. Je me suis éloigné d’Elina ces dernières années parce que je me savais condamné, parce que je ne voulais personne pour tenter de me convaincre de faire un choix qui ne me convenait pas, parce que je ne voulais pas la blesser. Ce soir je la blesse pourtant en te choisissant, tout comme ce soir tu blesses Zark en me choisissant. « Parce que franchement je ne suis pas vraiment d’humeur pour ça. » Et dire que tout se passait si bien il n’y a pas moins de cinq minutes… Juste avant que tu ne viennes poser cette fameuse question.

Ma main se retire de celle d’Ilana et je me lève à mon tour du lit pour aller enfiler un nouveau jean. Chaque mouvement est plus douloureux que le précédent, comme si mon corps me criait clairement qu’il est en train d’arriver au bout de ses réserves. Et ces désagréables sensations qui reviennent en flèches ne m’aident pas à apaiser la tension qui règne à cet instant. Pardonne-moi Ilana… Mais j’ai déjà en horreur que tu puisses me voir faible alors me voir mort ? Autant t’épargner cela, ne crois-tu pas ? Moi je le crois en tous cas. C’est toujours dos à elle que je boutonne mon pantalon et reprends la parole. « Je n’ai pas l’intention de demander d’aide à qui que ce soit hormis Gloria, ni à Elina… Ni à toi. » Et tant pis si ça augmente les risques, peut-être que c’est la mauvaise façon de faire comme tu le précises si bien mais c’est ma façon. « Comme je te l’ai dit c’est ma seule condition. » Pour aller voir Gloria, pour passer le cap. Comme tu l’auras compris je ne te laisse pas vraiment le choix, il n’y a que de cette façon que tu ne regretteras pas, parce que refuser reviendrait à me condamner de toute façon. Dans tous les cas je prends la responsabilité de ce qui arrivera. Je daigne enfin me tourner vers elle et affronter son regard. « Comme tu l’auras compris je ne te laisse pas vraiment le choix, bonne décision ou pas. » J’en assumerai pleinement les conséquences.

In the end

« Tu vas vraiment faire ça maintenant ? » Il ne cherche même pas à cacher ce reproche. Je n’ai pas envie de faire ça maintenant, mais je le fais. À quoi bon attendre des jours ou des mois pour aborder les sujets qui fâchent ? Il aurait été bon d’aborder ce sujet bien avant. Comme celui de Zark. Existe-t-il un moment plus propice pour parler de cette double trahison ? Celle que tu infliges à Elina, et celle que j’inflige à Zark. Non, je suis persuadée que non. Alors tu peux m’en vouloir Matthew, mais ce soir, je n’ai vraiment pas envie de me cacher derrière mon petit doigt. « Parce que franchement je ne suis pas vraiment d’humeur pour ça. » Il retire sa main de la mienne, et en vérité, j’allais en faire de même. Il vaut mieux que nous nous séparions un instant. J’avale ces deux reproches sans broncher, mais si tu les avais prononcés en d’autres circonstances, ma réponse aurait pu être violente. Matthew fait le tour du lit pour chercher de quoi se vêtir. J’en profite pour m’asseoir sur le bord du lit, et croiser les jambes. C’est à moi de tapoter mon genou en signe d’impatience. Mon corps me trahit encore, comme auparavant il avait trahi le désir que j’avais pour lui. Je ne dis rien quand je vois que tous les traits de ton visage sont tendus sous la douleur. Je m’efforce de ne pas bouger lorsque tu enfiles avec difficulté ton jean. Je ne dis rien, et je ne sais ce que signifie ce silence.

Toujours dos à moi, je vois les muscles de tes épaules se contracter. « Je n’ai pas l’intention de demander d’aide à qui que ce soit hormis Gloria, ni à Elina… Ni à toi. » Tu pourrais au moins me regarder Matthew lorsque tu m’envoies un pique pareil. Je mords ma langue pour ne pas rentrer dans ce jeu du donnant-donnant. Tu es énervé et en toute honnêteté, je ne comprends pas réellement pourquoi. J’ai abordé ce sujet délicat, et même si le moment n’est pas agréable, je ne mérite pas ta froideur. « Comme je te l’ai dit c’est ma seule condition. »Avec cette phrase, il met fin au débat. Je pourrais essayer de parlementer encore, et encore. Mais têtu comme il est, nous pourrions y passer la journée. Et le plus important à l’instant présent, c’est qu’il se rende chez Gloria.

Tu daignes enfin te retourner et affronter mon regard. «Comme tu l’auras compris je ne te laisse pas vraiment le choix, bonne décision ou pas. » Je me lève et me soustrais à ton regard. Je vais chercher mes vêtements dans ta salle de bain. Seul mon jean a survécu à notre passion. Je reviens dans la chambre, et enfile tant bien que mal mon pantalon trempé. «Pour ta gouverne… » Le pied droit est passé, mais le mollet fait de la résistance. Tu peux noter mon agacement «Elina n’est pas vraiment le sujet que je voulais aborder juste après avoir fait l’amour avec toi. » Ouf, plus que l’autre jambe. « Tu connais un bon moment pour aborder ce sujet ? Comme celui de Zark ? Il ne faut pas se leurrer, il faudra bien qu’on les aborde un jour. » Je boutonne mon pantalon tout en regardant enfin Matthew. Je ne vais pas commencer à lui dire qu’il faudra parler de son orgueil, je sens que la situation pourrait s’envenimer bêtement. Je m’approche alors de lui avec un pull à la main. Il me regarde avec des gros yeux. «Je ne suis pas encore aveugle Matt, je vois bien que tu souffres. Laisse-moi au moins faire ça. » Je l’entends marmonner mais ça m’est égal. Je voudrais lui dire que je le trouve beau, même fatiguée, même crispée. Que même lorsqu’il m’agace, je l’aime. Mais il pourrait s’y habituer.

Je me mets sur la pointe des pieds, et j’effleure mes lèvres des siennes. «On ne sera pas toujours d’accord, mais… au moins on sera en désaccord ensemble. » On ne sera pas d’accord tout en étant près l’un de l’autre. Et ça vaut tous les désaccords du monde. Je fais un pas en arrière, et regarde ailleurs, comme incapable de soutenir l’intensité de ton regard. «Tu peux y aller… » Je ne vais pas te dire au revoir parce que ce serait stupide. À bientôt ? Tout aussi bête. Alors quoi ? «J’ai hâte. » À toi de trouver la signification de ces deux mots Matt.