Renaissance

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Il semblerait que ce soit le jour J, mon corps est arrivé au bout de ses ressources et je sais que si je ne prends pas cette décision aujourd’hui, les Princes auront finalement raison de moi. Alors j'arrive dans le repère de Gloria et utilise cette puissante magie pour me protéger des pièges de la démone, les désactivant d'un geste de main avant qu’ils ne m'achèvent sur place. Ce sera probablement la dernière fois que je pourrais me servir de ma magie… Gloria apparaît presqu'aussitôt devant moi et me toise de haut en bas. « Je t'ai connu plus en forme, tu fais peine à voir Matthew. » Merci du compliment… Ce n’est pas comme si j'avais besoin qu’on me le rappelle systématiquement pour que j'en prenne conscience. C’est finalement d'un air assez détaché que je finis par lâcher ces mots. « J'accepte ta proposition… me défaire de ma magie. Je suis prêt à tenter le coup. » La langue de Gloria vient claquer contre son palais avant qu’elle finisse par dire qu’il était temps que je retrouve enfin la raison. Inutile de préciser que la raison porte un nom bien spécifique…

Et tout se met alors très vite en place, Gloria propose de faire venir Zark et Elina mais je refuse que quelqu’un d'autre soit présent, j'ai toute confiance en elle pour mener à bien l’expérience et quand bien même cela devait être un échec… je préfère ne pas avoir à les affronter. Plus tard, si je survis, j'aurais une conversation avec Zark et Elina, mais pas aujourd’hui. Avant que Gloria ne commence, il y a tout de même une question que je lui pose : pourrais-je redevenir démon après ça ? Gloria ne semble pas avoir une réponse définitive à m'offrir, mais visiblement elle espère bien que ce soit possibled et j’imagine assez bien pourquoi. Maintenant il est temps d'affronter ma destinée. Je suis prêt… je crois. En réalité je ne sais pas comment j'ai survécu à ce sortilège, je crois bien n'avoir jamais autant souffert qu’à cet instant. Plus que de m'avoir retiré mes pouvoirs, c’est comme si Gloria avait retiré une part de mon âme.

Puis tout s’arrête d'un coup et je me sens simplement… étrange. Faible et étrange. « C'est terminé. » Gloria m'observe alors que je me redresse. Je n'ai toujours rien dit, en réalité je ne dirais pas grand-chose à part que je saurais me débrouiller pour rentrer, même si Gloria a bien proposé de me téléporter directement à mon repère. Autant commencer tout de suite à me faire aux moyens de transport des humains puisque c’est ce qui m'attend. Et voilà comment Matthew Storm, roi de l'Enfer, se retrouve à prendre le bus à Passmagic. Voilà également comment je me retrouve avec une amende à régler lorsque de maudits contrôleurs m'annoncent que je devais acheter un ticket. Moi aussi j'ai des contrôleurs en Enfer et je veillerai à ce que ces types-là soient particulièrement bien accueillis… Quoi qu’il en soit c’est assez pitoyable pour une première journée en tant qu'humain.

J'arrive au repère après trente minutes de transport et réalise à quel point les humains perdent une quantité folle de leur temps en allant d'un point à l'autre. Je crois que la téléportation est ce qui risque le plus de me manquer. La porte d’entrée claque dans mon dos et je dépose la contravention sur la table avant d’aller me servir un verre d'eau. J'ai terriblement soif. Et faim aussi. Malheureusement il n'y aucune nourriture dans ce repère. Le verre d'eau est vidé d'une traite mais ça n’empêche pas mon ventre de faire un bruit monstrueux en gargouillant. « Quel son démoniaque… » C’est un peu ironique, quoi que… faut croire que le monstre qui se trouve dans mon estomac a été assez bruyant car c’est le visage d'Ilana que je vois apparaître dans l'encadrement de la porte. « Impossible de savoir depuis combien de temps tu es là… ça aussi il va falloir que je m’y habitue. » Sauf que sentir une présence chez soi, ça reste utile quand même, surtout quand on a autant d'ennemis que moi. Je m’approche lentement d'Ilana, j'ai l’impression que chaque pas est lourd et que… Que je ne vais plus me sentir aussi léger qu'avant. Ça peut paraître con comme changement mais ça aussi il faudra que je m'y habitue. « Ça a fonctionné, comme tu peux le constater. » Le grand roi de l'Enfer n’est plus qu’un banal humain. Banal… je n'ai jamais aimé ce mot. « J'ai l'air moins effrayant comme ça, mais ça ne signifie pas qu’il ne me reste pas d’autres tours dans mon sac. » Etre faible, jamais je ne l'accepterais. La magie ne réside pas que dans le corps mais aussi dans certains objets et je compte bien m'en dégoter, d’une manière ou d’une autre.

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La fenêtre ouverte laisse rentrer quelques gouttes de pluie dans le repère. L’ambiance y est tellement calme que j’avais besoin d’ouvrir cette fenêtre pour y faire entrer du bruit. L’attente est insupportable lorsque vous avez pour seule distraction le bruit de vos pensées. Les bruits de la pluie contre une gouttière en fer, le bruit des klaxons. Ils me sortent à chaque instant un peu plus de mes noires pensées. Puis, je profite de cette fenêtre pour me griller une clope. La première depuis… je n’ose même pas me souvenir de la dernière fois où mes lèvres ont embrassé le filtre de cette cochonnerie. Pourtant, aujourd’hui, chaque bouffée de nicotine représente presque une bouffée d’air frais. C’est idiot parce que si je ne meurs pas d’impatience et d’angoisse, je suis en train de m’offrir un enterrement avant l’heure avec ce tabac qui s’insinue dans mes poumons.

J’ai hâte.Voilà les dernières paroles que j’avais adressées à Matthew avant qu’il ne se décide – seul, et je n’avais pas eu mon mot à dire – à aller au repère de Gloria. Ma bouche encercle un peu plus fort le filtre lorsque j’imagine tout ce qui peut et a bien pu se passer dans le repère de Fost. Sa puissance et toutes les connaissances qu’elle a réussi à accumuler pendant ces centaines d’années me rassurent mais comme tout PassMagic le sait, aucune magie n’est exempte de risques. Alors malgré mon naturel optimiste, je suis inquiète. Je ferme les yeux quelques instants, laissant quelques gouttes de pluie amenées par le vent s’évanouir sur mon visage. L’idée que ce soit Gloria qui apparaisse dans ce repère pour m’annoncer une mauvaise nouvelle germe dans mon esprit. Il est mort, je n’ai rien pu faire, l’opération était trop dangereuse. Je ne devrais pas rentrer dans ce cercle vicieux mais…

Un bruit me fait alors sursauter. Je tends l’oreille et c’est bel et bien le claquement de la porte d’entrée. Je laisse échapper un profond et long soupire de soulagement. Il est là. Il est en vie, et suffissament en bon état pour que Gloria l’ait laissé partir de son repère sans tenir à l’accompagner. Je ne fais aucun bruit, et l’entends déposer quelque chose et se diriger vers la cuisine. Je me lève du rebord de la fenêtre et jette mon mégot par la fenêtre. Tant bien que mal je tente de dissiper avec d’amples gestes de faire disparaître l’odeur de tabac froid mais cela semble peine perdue. C’est la troisième que j’ai grillée qui va me dénoncer à Matthew. À moins que…. Ayant perdu tous ses pouvoirs, ses cinq sens doivent être moins affutés. Je ne fais pas attention à ce pincement au cœur. Je me précipite vers la cuisine, manquant de me prendre les pieds dans le tapis sous l’excitation.

Alors que je m’approche discrètement de la cuisine, j’entends un bruit. Comme un… gargouillement. Je porte la main à mon visage pour étouffer le petit rire qui m’échappe lorsque j’entends « Quel son démoniaque… » Je ne partage pas l’avis de Matthew. À cet instant, je trouve que c’est le plus beau son qui m’ait été donné d’entendre depuis longtemps. Avoir faim, c’est avoir la santé. Donc la vie. Et… je retiens les larmes qui commencent à perler à mes yeux. Matthew note enfin ma présence dans l’embrasure de porte. « Impossible de savoir depuis combien de temps tu es là… ça aussi il va falloir que je m’y habitue. » S’y habituer, s’adapter. Ce sont des termes qui vont revenir dans notre quotidien. Je reste plantée là comme un piquet, me contenant de le regarder. Physiquement il n’a pas changé. Tu es toujours aussi beau et ton charme Matthew – où au cas où tu en doutais – ne résidait pas dans tes pouvoirs. « Ça a fonctionné, comme tu peux le constater. » Il a fait deux pas vers moi mais je suis incapable de bouger un petit doigt. Oh que oui Matthew je le constate. Et je… putain je crois que c’est la première fois depuis longtemps que les mots me manquent pour décrire tous les sentiments qui m’envahissent. « J'ai l'air moins effrayant comme ça, mais ça ne signifie pas qu’il ne me reste pas d’autres tours dans mon sac. » À peine a-t-il fini sa phrase que je lui saute dans les bras. J’avais imaginé mille retrouvailles lorsque je t’attendais Matthew. Mille mots que j’aurais pu te dire, mais à cet instant, tout ça s’envole. Mes bras fins entourent ton torse, et ma tête se pose juste au niveau de ton cœur. C’est stupide, mais j’ai besoin d’entendre ses battements, pour m’assurer que oui tu es bien face à moi. Que je ne délire pas, et que maintenant, la vie nous offre une deuxième et inestimable chance. Tu chancelles un peu sous mon poids, je ne m’en inquiète pas. Tu vas devoir te réapproprier ton corps, et ta façon d’évoluer dans l’espace.

« Tu es là. »J’articule ses quelques mots alors que je te serre toujours aussi fort. Est-ce que je t’étouffe ? Ce serait dommage que ce soit moi qui t’abîme. « C’est idiot, j’avais préparé tout un discours pendant que j’attendais. Ça n’a plus d’importance. Si tu permets, je… je vais prendre une minute et simplement profiter de ton corps contre le mien. » Mes doigts s’agrippent à ta veste, et je ne dis rien. Je profite de la chaleur de ton corps, de ton souffle qui s’insinue dans ma longue chevelure. À un moment, viendront les questions sur ce qui s’est passé chez Gloria, et bien d’autres sujets. Mais là, je recule un peu et essuie les larmes qui ont fini par me trahir en descendant le long de mes joues. « C’est ridicule, je sais, c’est… Pour une fois, je suis sans mots. » Face à son regard amusé, je lui tire la langue alors que mes yeux sont encore envahis par la buée. « Ne te réjouis pas trop, ça reviendra. » Je laisse échapper un petit rire, tout en me reprenant. Je ne voulais pas lui donner un tel spectacle. Je sens quelque chose dans la poche de mon jean, que je finis par sortir et mettre sous le nez de Matthew. « Alors comme ça on ne paye pas le billet pour prendre le bus ? Tss, pas bien du tout ! » Je l’accroche au frigidaire, et… mais il a faim ! Bien sûr ! Je commence à ouvrir chaque placard sous les yeux un peu éberlués de l’ex-démon. « Rien, que dalle ! Mais ce n’est pas grave, je… je vais aller faire les courses et bon, je ne suis pas bonne cuisinière mais j’apprendrais. On apprendra ensemble ? » Je me retourne vers Matthew, et plonge enfin mes yeux dans les siens pour la première fois depuis son retour. Je me rends compte que j’ai oublié de lui dire l’essentiel. « Je t’aime. », lance-je du bout des lèvres. C’est maintenant que tout commence.

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Autant dire que de tous les scénarios que j’ai pu me faire étant gamin, aucun d’eux n’envisageait que je puisse un jour devenir humain. Plutôt mourir que d’être cette créature faible, c’est ce que je me serais dit, c’est ce que je m’étais dit jusqu’à ce qu’Ilana finisse par me convaincre du contraire. Tout est différent maintenant, je suis humain et je ne sais pas combien de temps il me faudra pour m’y faire. Quelques jours ? Quelques mois ? Quelques années ? Je ne sais pas, il y a toujours une part de moi qui se dit que je ne m’y ferais jamais, mais au moins j’aurais essayé. Au moins je peux m’estimer heureux de la présence d’Ilana à mes côtés. Mon regard croise le sien et c’est moi qui prends la parole en premier, qui fais les premiers constats. Que penses-tu de moi maintenant, Ilana ? Tu n’as toujours rien dit et je me demande si tu n’es pas déçue, si tu ne t’attendais pas à mieux. Matthew Storm sans sa magie doit être forcément moins impressionnant.

Elle ne dit toujours rien. A la place se sont ses bras qui viennent m’enlacer et le contact est… Différent. Particulier. Plus percutant mais aussi plus plaisant. Mes bras répondent à son étreinte en l’enlaçant en retour, humant doucement l’odeur de ses cheveux. Tout est différent, chacun de mes sens est un changement auquel je vais devoir m’adapter. Il y a toujours une part de moi qui se demande si je suis bel et bien près, mais puisque j’ai sauté le pas, je suppose que ça veut dire oui. « Je suis là, en chair et en os. » Et sans magie. Je garde ces derniers mots pour moi, ce n’est pas le moment de jouer les démons amers, je savais qu’en allant chez Gloria j’en ressortirais sans magie après tout. C’est mon choix, mais il me faudra du temps pour m’y faire. Ilana affirme alors qu’elle avait préparé un discours et finalement je me dis que c’est probablement une meilleure idée qu’on se contente de cette étreinte, pas qu’elle n’aurait pas été capable de trouver les bons mots mais je n’ai pas spécialement envie d’écouter un discours. Je n’ai jamais aimé les discours en fait.

Je continue de la regarder et il y a ce sourire doux qui vient se former sur mes lèvres devant les larmes d’Ilana. Ne vous méprenez pas, je ne suis pas ravi de sa tristesse, je suis juste… Honoré qu’elle verse ces larmes pour moi. Et je viens essuyer ces larmes du bout des doigts mais il faut croire qu’Ilana le prendrait mon sourire presque comme une provocation et je ne peux m’empêcher de rire un peu devant sa mise en garde. « Oh je n’en doute pas ! » Mes mots sonnent avec une pointe de provocation. Je ne dis pas qu’Ilana est une pipelette, je dis juste que de nous deux c’est plutôt elle qui préfère parler alors oui, je suis persuadé qu’elle ne restera pas sans mot éternellement. Je fais en revanche bien moins le malin lorsque c’est la contravention du bus qu’elle met sous mon nez. « La monnaie des démons n’a jamais été la même que celle des humains d’autant que… Les démons ne paient pas pour se déplacer. Et après c’est nous qui ne sommes pas civilisé. » Non mais sérieusement, il n’y a que les humains pour faire payer un déplacement ! Beaucoup plus lent que le simple fait de s’éclipser qui plus est. Les transports sont une arnaque phénoménale, à tous les coups c’est un démon qui a dû inventer ce système.

De toute façon Ilana a bien vite fait d’oublier cette contravention pour aller fouiller dans les placards. Evidemment qu’ils sont vides, les démons n’ont pas besoin de se nourrir, encore moins de faire les courses. En fait ça fait beaucoup de nouveautés d’un coup mais heureusement j’ai une humaine à mes côtés pour m’apprendre. Enfin mi-humaine. « On apprendra ensemble. » Même si je ne sais pas à quoi je m’engage réellement en affirmant qu’on apprendra à faire les courses et cuisiner ensemble. Peut-être que ma vie de démon risque de me manquer plus vite que je ne l’imaginais, ou peut-être que je vais adorer… Nous verrons bien je suppose. C’est après un court instant de silence qu’Ilana se tourne vers moi pour prononcer ces mots qui déclenchent un nouveau sourire sur mon visage. Et ma réponse ne tarde pas, c’est la distance qu’il y a entre nous que je sépare pour venir capturer ses lèvres et ça c’est une nouveauté à laquelle je n’aurais aucun problème d’adaptation. C’est fou comme les sensations peuvent être différentes et à ce moment-là tout me paraît beaucoup plus doux, beaucoup plus savoureux. L’une de mes mains glisse contre sa joue fur et à mesure que j’approfondis le baiser et je sens forcément une certaine envie grimper, je sens mon cœur battre la chamade. Pourquoi bat-t-il aussi fort ?

Je ne réalise pas que c’est ainsi que ressente les humains, pourtant Ilana m’avait prévenu, tout sera beaucoup plus décuplé maintenant que je peux ressentir sans barrière. Et je me recule d’elle un instant, serrant mon poing près de mon cœur. « Quelque chose ne va pas… » Oui forcément du point de vue d’un démon il y a forcément quelque chose qui cloche à cette réaction. Mon regard se relève vers celui d’Ilana avant que je ne reprenne. « J’ai l’impression que mon cœur va s’arracher de ma poitrine tellement il bat fort, tu… Tu devrais appeler Gloria. »

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Les mots sont la plus belle source de magie que nous ayons Matthew. Alors tu peux bien penser que je suis une pipelette, je ne m’en vexerai pas. Parce que les trois mots qui viennent de passer la barrière de mes lèvres sont plus forts que n’importe quelle incantation, que n’importe quelle potion. Les mots pansent les plaies et guérissent les blessures. C’est la voix réconfortante de Kalia qui m’a aidée à sortir la tête de l’eau lorsque j’avais envie que tout s’arrête. Ce sont tes mots tendres, et tes soupirs d’extase Matthew qui me donnent envie à chaque fois de te faire l’amour. Des mots, toujours des mots. Mais toi, tu as toujours préféré les actes aux paroles. C’est ainsi que tes lèvres se posent sur les miennes, et que nous échangeons un baiser. À cet instant, plus rien n’existe autour de moi. Tu n’as pas changé. La tendresse de tes baisers, la douceur de ta caresse sur ma joue. Rien n’a changé, tu es bien là. Hier, je t’avais assuré que tu ne changerais pas à mes yeux. Que démon ou humain, l’amour que je te porte resterait intacte. Cependant, j’avais préféré garder pour moi mon inquiétude. Bien évidemment que tu allais changer Matthew, mais je serai à tes côtés. À cet instant très précis, le désir que nous avons l’un pour l’autre, lui n’a point changé. Je commence à glisser ma main sous ta chemise, approfondissant un peu plus la rencontre de nos lèvres lorsque tu t’écartes brusquement « Matthew, qu’est-ce... » , Je crois lire dans tes yeux la peur alors que tu portes ta main à ton cœur, le souffle légèrement coupé « Quelque chose ne va pas… » Je reste stoïque, comme paralysée par la peur. La magie de Gloria aurait-elle des effets secondaires ? Et si la vision de Matthew dans cette cuisine n’était qu’un songe ? Et si c’était le début de la fin de ce rêve que je vis éveillée ? Matthew respire difficilement, et je ne sais pas quoi dire. « J’ai l’impression que mon cœur va s’arracher de ma poitrine tellement il bat fort, tu… » Et c’est ma respiration qui retrouve un semblant de calme. J’ai compris, et ça… Matthew, tu as raison aujourd’hui. Tes actes en disent tellement plus que mes mots « Tu devrais appeler Gloria. »

Je m’approche alors vers toi, et pose ma main sur la tienne, toujours posée sur ta poitrine. Ton cœur bat si fort que je sens ses battements à travers ce contact. « Matthew, regarde-moi. Tout va bien. » Je dépose un rapide baiser sur tes lèvres, et je sens que ce contact t’électrise et ta main se crispe sous la mienne. « Tu as l’impression que ton cœur est en train d’exploser, que ton sang bouillonne, et que tu ne contrôles plus rien ? » Je ne prends même pas la peine d’attendre la réponse de l’ancien démon. C’est comme une évidence à mes yeux « Gloria ne pourra rien y faire malheureusement… » Je laisse échapper un petit rire. Et non Matthew, cette fois-ci, la Fost n’aura aucun remède. « Ce que tu ressens Matthew, c’est ce que j’ai ressenti à chaque seconde de chaque moment passé à tes côtés. Ce sentiment de vulnérabilité, cette désagréable sensation de ne plus être maître de son propre corps ; ce sont des sentiments que j’éprouve à chaque fois que tu m’embrasses Matthew, à chaque fois que tu me fais l’amour. » Je ferme les yeux quelques instants, et colle mon visage contre ta poitrine. « La force du désir que tu ressens à cet instant… » Mon ton devient froid, légèrement distant. « Ce n’est rien à côté de la douleur et de la colère que j’ai éprouvées lorsque tu es parti. » Ce reproche m’échappe – j’ai été incapable de le retenir. Comprends-tu Matthew la rage et la peine dans laquelle tu m’as laissée ? Je passe mes mains sous ta chemise encore une fois, continuant là où nous nous sommes arrêtés et susurre « Tu vas tout ressentir au centuple, et… c’est merveilleux. Dans le bonheur d’aujourd’hui, comme dans les emmerdements de demain. » Nous ne sommes plus des enfants Matthew, nous avons traversé tous les deux assez d’épreuves pour savoir que notre vie ne sera pas un long fleuve tranquille. Que ce n’est que le premier jour du reste de notre vie. «Mais moi… saurais-je t’aimer assez pour te faire oublier tes pouvoirs passés ? »  Je ne me rends pas compte que je pose cette question à voix haute alors que  mes doigts caressent la peau de ton ventre. N’ai-je pas le droit de douter de ne pas être « assez » pour toi ? Ta vie a tellement été mouvementée, que celle que tu planifies à mes côtés pourrait te sembler bien fade. Et je crains que cette appréhension ne me quitte plus jamais. Tu n’es pas homme à te contenter de peu Matthew… Alors serais-je suffisante ?

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Serais-je capable d’accepter tous ces changements ? Être humain, être fragile et… ressentir les choses de manière bien plus forte. C’était déjà difficile de t’aimer lorsque j’étais démon, Ilana, parce que je n’aimais pas ces sentiments. Je n’aimais pas être contrôlé par eux et peut-être qu’au fond de moi, j’avais peur de ce qu’ils me feraient faire. Peut-être que j’en ai encore peur aujourd’hui, mais je ne suis plus un démon à présent et mon cœur d’humain bat la chamade. Quelque chose ne va pas, Ilana. Ce n’est pas normal. Je n’ai jamais été comme ça. Je n’ai jamais ressenti les choses de cette façon. Je vois la peur se dessiner sur tes traits puis… Disparaître. Tu t’approches de moi, pose ta main sur la mienne et me dis que tout va bien. Comment peux-tu en être aussi sûre ? Parce que je ne suis pas certain que ce soit normal de sentir son cœur tambouriner aussi fort. Mais pour toi, ça l’est.

Tu décris exactement ce que je ressens, comme si tu le vivais aussi à cet instant. J’acquiesce à ta question et tu me confies que Gloria ne pourra rien y faire avant de rire. Pourquoi ris-tu ? Tu m’expliques la raison pour laquelle mon cœur tambourine aussi fort, que tu l’as ressenti toi aussi, chaque fois qu’on était ensemble. Comment as-tu fait pour survivre à cela ? Tout ce que tu décris Ilana, cette vulnérabilité, ce sentiment de ne plus se contrôler, je ne suis pas sûr d’être prêt pour cela. Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée de ressentir cela. Être vulnérable, c’est offrir l’occasion à ses ennemis de nous détruire et aucun démon ne prendrait un risque pareil. Sauf que je ne suis plus un démon à présent… Je crois que je vais avoir du mal à me faire à cette idée. Tu reprends la parole et tu évoques alors la douleur et la colère que tu as éprouvée lorsque je t’ai laissée. La culpabilité doit probablement se lire dans mon regard lorsque je croise tes yeux bleus. Une part de toi m’en voudra toujours, n’est-ce pas ? Une part de toi aura toujours peur que je t’abandonne à nouveau tôt ou tard. Je te connais, Ilana Alom, je sais ce que tu penses. Est-ce que le démon que j’étais sera capable de se satisfaire de cette vie d’humain ? Honnêtement je ne peux pas te le certifier. Je sais simplement que j’ai envie d’une vie à tes côtés.

Je fronce les sourcils lorsque tu reprends la parole et pose cette question à voix haute. Tu ne sembles même pas t’en rendre compte, perdue dans tes pensées, tes doigts glissant sur ma peau, mais tes mots restent ancrés dans mon esprit. « Rien ne me fera oublier mes pouvoirs passés, Ilana. » Je constate bien que ces mots semblent attirer ton attention, mais peut-être pas de la bonne façon. Je n’ai jamais été doué pour m’exprimer, mais maisse-moi simplement poursuivre et tu comprendras mieux. « Il y a aura quelque chose truc pour me rappeler que je suis différent à présent, comme le fait de devoir prendre les transports en commun ou de devoir mettre une raclée à un type qui t’aurait insulté avec mes poings plutôt qu’en le désintégrant avec ma magie… » Bon ce ne sont peut-être pas les meilleurs exemples, mais je pense que tu vois où je veux en venir. « Mais chaque fois que je serais avec toi, ça me rappellera à quel point tu m’as rendu vivant. » Après tout, je serais probablement mort si tu ne m’avais pas trouvé la veille, mais il n’y a pas que cela. L’une de mes mains glisse le long de ta joue avant de repousser lentement une mèche de cheveux derrière ton oreille. « Entre Félicia et… Zark… » C’est toujours compliqué de prononcer son prénom avec toi, étant donné votre passif. « Je n’ai connu que le pouvoir, la vengeance ou la colère. Je m’en contentais. Je n’avais pas tellement mon mot à dire à l’époque et quand on ne connaît rien d’autre, on ne voit pas où est le problème d’être bercé par la haine. » Je n’avais pas besoin d’autre chose car mon objectif était d’obtenir du pouvoir et on ne peut pas être roi de l’Enfer quand on aime quelqu’un.

« Si tu savais comme je t’en ai voulu d’avoir débarqué dans ma vie… de m’avoir fait ressentir tout ça. » Tu as bousculé tous mes plans Ilana et pas seulement les miens. Des années de combat et d’existence avec un but précis et tout a failli s’envoler à cause de toi. Mais j’ai fini par atteindre mon objectif. Je suis devenu roi de l’Enfer et je n’ai pas été satisfait. Il me manquait quelque chose : toi. « Je t’en ai voulu de m’avoir appris à aimer, parce que c’était bien plus simple de détester. » Pourtant je ne suis pas du genre à opter pour la facilité, la preuve réside dans mon désir d’avoir voulu renverser les Quatre Princes de l’Enfer et de l’avoir fait. Mais ce n’est pas pareil d’avoir des objectifs et de ressentir. « Et peut-être que certains jours, je serais suffisamment stupide pour te reprocher de m’avoir convaincu de choisir cette vie d’humain plutôt que de mourir démon. » J’ai mes défauts et je pourrais très bien retomber dans mes travers de remettre la faute sur les autres. Quand on ne contrôle plus les choses, c’est plus simple de trouver un coupable. « Ces jours-là tu pourras me rappeler une chose… Je serais mort sans avoir compris ce que cela fait d’avoir un cœur qui bat pour une personne qu’on aime et ça, Ilana, c’est le plus grand mystère de toute ma vie de démon. » Sur ces mots, mes lèvres viennent s’emparer à nouveau des siennes pour lui offrir un long baiser passionné. Je n’ai plus envie de te quitter. Je n’ai plus envie de te lâcher. Reste avec moi, Ilana…

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« Rien ne me fera oublier mes pouvoirs passés, Ilana. Il y aura toujours quelque chose pour me rappeler que je suis différent à présent, comme le fait de devoir prendre les transports en commun ou de devoir mettre une raclée à un type qui t’aurait insultée avec mes poings plutôt qu’en le désintégrant avec ma magie… » Si ce n’est que cela, ne t’en fais pas pour moi Matthew, j’ai un crochet du droit qui a tendance à partir très vite ces temps-ci.  J’aurais voulu plaisanter au sujet de tes inquiétudes plutôt triviales Matthew, mais le cœur n’y est pas. L’égoïsme dont j’ai fait preuve ces derniers jours face à la crainte de te perdre s’écrase aujourd’hui comme un lourd poids sur mes épaules. Je ne voulais pas, je ne pouvais pas te perdre. Alors je ne t’ai pas laissé le choix, je ne t’ai pas laissé le temps de réfléchir à une autre éventualité que celle de rester vivant. Jusqu’à quel point m’en tiendras-tu responsable ? « Mais chaque fois que je serais avec toi, ça me rappellera à quel point tu m’as rendu vivant. » Je laisse échapper un soupire de soulagement tandis que tes doigts s’entremêlent à ma longue chevelure. Tu es vivant, et égoïstement c’est aujourd’hui la seule chose qui compte.

« Entre Félicia et… Zark… » Tu marques une pause après son prénom. Là encore, c’est un sujet houleux entre nous. Nous n’avons jamais pris le temps de mettre les choses au clair à son sujet. Pourquoi ? Des blessures passées pourraient se raviver, et je ne sais pas si nous sommes prêts à nous y confronter. Pas maintenant, pas tout de suite… mais certainement pas jamais. « Je n’ai connu que le pouvoir, la vengeance ou la colère. Je m’en contentais. Je n’avais pas tellement mon mot à dire à l’époque et quand on ne connaît rien d’autre, on ne voit pas où est le problème d’être bercé par la haine. Si tu savais comme je t’en ai voulu d’avoir débarqué dans ma vie… de m’avoir fait ressentir tout ça »  Si tu savais comme je t’en ai voulu d’avoir débarqué dans ma vie ce soir-là. De t’être imposé dans ma vie, de t’être insinué dans mon âme, mon cœur et mon corps. Mais j’ai dépassé tout cela. Et malgré le fait que tu exprimes ton ressentiment au passé, je doute qu’il se soit totalement dissipé. « Je t’en ai voulu de m’avoir appris à aimer, parce que c’était bien plus simple de détester. » C’était plus simple de me détester. C’était plus simple de te détester Matthew. À l’époque où mon chagrin s’est transformé en haine, je t’ai détesté chaque seconde de ma putain d’existence. Je te détestais de m’avoir faite souffrir, de m’avoir ôté ma dernière part d’insouciance. Mais par dessus tout, je te détestais de m’avoir abandonnée. Alors si aujourd’hui, tu m’en veux de t’avoir appris à aimer, je me félicite de t’avoir retrouvé.  

« Et peut-être que certains jours, je serais suffisamment stupide pour te reprocher de m’avoir convaincu de choisir cette vie d’humain plutôt que de mourir démon. » Tu seras cruel de me reprocher d’être en vie, mais j’accepterai d’être ce bouc-émissaire. « Ces jours-là tu pourras me rappeler une chose… Je serais mort sans avoir compris ce que cela fait d’avoir un cœur qui bat pour une personne qu’on aime et ça, Ilana, c’est le plus grand mystère de toute ma vie de démon. » Tu me coupes dans mon élan en m’embrassant. Je sens ta langue vaincre mes lèvres, et l’espace de quelques secondes plus rien n’a d’importance. Toi et moi. Dans cette cuisine qui n’en a que le nom puisqu’il n’y a rien à se mettre sous la dent… Sauf nos deux corps. Et ma foi, cela me met en appétit.

« Lorsque je t’attendais à ton retour du repère de Gloria, j’ai bien réfléchi et je… » Je prends une profonde inspiration. «  J’ai été égoïste, je le sais. Mais une vie sans toi Matthew, même une vie éternelle, serait trop vide. Alors  je vais te faire une promesse. » Je prends tes mains dans les miennes. « Je te promets d’être assez forte pour accepter tes reproches. Je te promets de ne pas fuir même lorsque tu seras impossible à vivre. Je te promets de te rappeler que tu m’aimes même lorsque tu me détesteras pour t’avoir obligé à faire ce choix. » Mon regard est ancré dans le tien, le temps semble suspendu. Dis moi, pourrions-nous arrêter le temps pour juste profiter de cet instant ? Pourrions-nous rendre cet instant plus mémorable ? Oui… bien sûr. À cet instant, je n’ai jamais été aussi sûre de moi. « Je veux te faire une autre promesse Matthew, mais avant cela il faut que tu répondes à ma question. » À mon grand étonnement, ma voix ne tremble pas. « Matthew Storm, voulez-vous m’épo… »

Une énorme explosion couvre la fin de ma phrase. Je tourne la tête vers le salon d’où vient le vacarme. Je te pousse contre un mur. « Reste là ! » Mon ton n’admet aucune contradiction. Je me précipite vers le salon, et me retrouve face à deux énergumènes qui n’ont pas jugé bon d’utiliser la sonnette de la porte d’entrée. « Voyons Messieurs,  ne vous-a-t-on pas appris les bonnes manières ? » Ils se retournent et me dévisagent. « Qui êtes-vous ? Où est-il ? » Leur question ne m’étonne guère. Ils te cherchent Matthew. Ils te cherchent déjà. Je m’étais préparée à cela mais pas… pas tout de suite. Ils ne me reconnaissent pas. C’est un bon point. Il est vrai que je n’ai pas pointé le bout de mon nez dans les bas fonds de la ville depuis longtemps. « Où est Storm ? »» Je fais un pas vers eux pour les défier. « Coincé dans les bouchons. Vous savez la circulati… » L’homme de droite – au visage abîmé par la grêle – fait apparaître une boule d’énergie qui m’atteint au flanc gauche. Je me mords la lèvre pour ne pas hurler de douleur. J’entends du bruit dans la cuisine : tu ne m’écouteras donc jamais ? Je fais apparaître un champ de force qui bloque l’ouverture de la porte de la cuisine. Je devrais répondre de cet affront. Mais à cet instant, il faut que je me débarrasse des deux lascars. « STORM !  » Le champ de forces ne va pas durer longtemps, je ne suis pas une experte en la matière. L’envie d’appeler Fost aux secours me traverse l’esprit mais je m’y refuse. Je dois te prouver que je suis capable de nous protéger. D’un geste de la main, je fais exploser l’un des deux intrus. Son compagnon d’infortune fait un pas en arrière. « Alom ? » Je vois dans son regard qu’il ne s’attendait pas à un tel comité d’accueil. « En personne ! Peut-être voudrais-tu me dire ton nom avant que je ne t’envoie rejoindre ton collègue ? » L’homme balance une fiole sur le sol et une épaisse fumée grise envahit le salon. Il disparaît mais sa voix résonne dans la pièce. « Nous sommes des centaines après lui… ce n’est que le début. »

J’entends un coup de pied contre la porte de la cuisine. Mon champ de forces n’aura pas duré très longtemps. Tu apparais devant moi alors que je porte la main à mon flanc gauche. La plaie saigne mais ce n’est que superficiel.  « Tout va bien, ce n’est vraiment pas grand chose. »

Renaissance

Il y a quelques années de cela, jamais Matthew Storm n’aurait prononcé de telles paroles. Lui faire une déclaration ne m’aurait même pas traversé l’esprit. Pourtant ces sentiments ont toujours été présents, du moins pratiquement, mais il était plus simple de les garder enfouis, sans jamais les évoquer. Jamais je n’aurais cru que mon avenir tournerait ainsi. Au fond, je reste d’avis que devenir humain est une mauvaise idée étant donné mon nombre d’ennemis, mais pour l’heure, j’essaie de profiter de la simple idée d’être encore vivant. Et puis, j’ai encore quelques tours dans mon sac. Félicia ne m’a pas seulement éduqué à utiliser la magie, elle m’a appris à devenir une machine de guerre et même si je ne me suis pas rebattu sans pouvoirs depuis longtemps, il y a des choses qui ne se perdent pas. Mais ce n’est pas le moment de songer à cela, pas alors que nos lèvres se touchent et que nos langues se croisent. Goûter à nouveau à ces baisers suffit à me convaincre d’avoir fait le bon choix.

Puis c’est au tour d’Ilana de s’épancher sur son ressenti. Au moins nous sommes sur la même longueur d’onde, car je dois bien l’avouer, le doute s’est emparé de moi sur le chemin du bus. J’ai craint qu’elle me manipule uniquement pour me maintenir en vie, un mensonge pour me sauver la peau ou peut-être pour me torturer. Oui, j’y ai songé également l’espace d’un instant, mais il ne faut pas m’en vouloir. Quand on a été éduqué toute sa vie par une manipulatrice, on ne peut pas s’empêcher de voir le mensonge partout. Sauf qu’Ilana est différente de tout ce que j’ai connu, elle l’a toujours été. Ma bouée de sauvetage dans cet océan noir. Elle me fait toutes ces promesses qui ne sont pas nécessaires, parce que je ne lui en voudrais jamais de toute façon si elle ne les tenait pas. Mais quelque chose d’étrange se passe lorsqu’Ilana admet avoir une question à me poser. Je fronce les sourcils et le ton solennel qu’elle emploie me perturbe. Et même si je comprends ce qu’elle a l’intention de faire, nous n’aurons jamais l’occasion d’aller au bout. Un mal pour un bien en soit, car j’aurais préféré que ce genre de demande vienne de moi.

Une explosion nous arrache à notre bulle pour nous rappeler que le danger est toujours présent, à toute heure et à tout lieu. Je suis déjà prêt à passer devant, oubliant presque mon statut d’humain. Ce n’est pas le cas d’Ilana qui me pousse contre un mur avant de m’abandonner là. Vraiment ? Personne ne laisse Matthew Storm sur la touche lors d’un combat ! Quelques paroles sont échangées et j’entends brièvement mon nom être prononcé alors que je cherche une arme dans les tiroirs. Bon sang Ilana, n’as-tu donc rien d’intéressant dans tes placards ?! J’entends les bruits de combat débuter et finis par dénicher un couteau de boucher. Voilà qui devrait faire l’affaire. Sauf que je n’ai même pas le temps de faire un pas en dehors de la cuisine que je me retrouve bloqué à l’intérieur, piégé par un champ de force. « ILANA ! » Mon hurlement de mécontentement est couvert par celui de son adversaire qui cri mon nom. Ce n’est pas toi qu’ils veulent mais moi et il est hors de question que je te laisse te mettre en danger de cette façon.

Alors je frappe contre ce champ de force, me bats contre ta magie encore et encore. Je n’arrêterai pas avant de l’avoir fait céder. Tu parviens à te débarrasser de l’un des tes adversaires et je sens que ta barrière ne va plus tarder à céder. Encore quelques secondes et… Le deuxième démon disparaît. Le champ de force se brise et je me précipite au salon pour te rejoindre, remarquant immédiatement ta plaie au niveau du flanc. « Pourquoi est-ce que tu as fait ça ? » Je m’approche et dépose le couteau à mes pieds en même temps que je m’accroupis à ses côtés. Elle tente vainement de me faire croire que tout va bien mais je repousse sèchement ses mains pour avoir accès à la plaie. « J’aurais pu t’aider… » dis-je d’un ton froid en examinant les dégâts. « Tu as une trousse de soins quelque part ? » Sinon je devrais bien trouver de l’alcool et du feu pour cautériser la plaie. D’accord, il y a plus doux et moins marquant comme méthode, mais je connais surtout les pratiques les plus efficaces et je n’ai jamais été doué en couture. L’ancien Matthew aurait soigné cela en un claquement de doigts… Mais je ne dois pas penser à cela.

« Sinon j’ai caché quelques affaires dans une grotte, par prévention. » Oui, cette grotte-là, celle où tout a commencé. Il y a quelques mois de cela, j’y ai laissé un bagage rempli d’affaires, principalement des armes, quelques objets magiques mais aussi des fioles. En réalité, ce genre de sac a été caché dans plusieurs endroits stratégiques, mais le plus proche d’ici -quand on ne peut pas se téléporter- reste la grotte. « Tu crois que tu peux nous téléporter ? » Car il est hors de question de la laisser là alors que d’autres ennemis doivent peut-être déjà être en chemin. C’est moi qui suis censé la protéger, pas l’inverse.